En 1960, il y avait quatre cotisant·es pour un·eretraité·e, il n’y en a plus qu’1,7 en 2020, et ce ratio va aller en diminuant dans les années à venir (1).
Vu comme ça, le ou la retraité·e semble « coûter » à la société, d’où les nombreuses élucubrations sur le financement prétendument impossible des retraites.
Or, non seulement il n’y a pas de problème de financement, mais en plus, les retraité·es représentent un “atout” économique et social.
La contribution des retraité·es à notre société est de différentes natures : si l’on pense en premier lieu à la place qu’ils et elles occupent dans la sphère privée, leur rôle s’étend pourtant au-delà, et la retraite constitue donc un « temps » qui compte dans la cohésion sociale.
La sphère familiale, tout d’abord, concentre une grande part des activités des retraité·es : ils et elles constituent la « génération pivot », celle des aidant·es, aussi bien des enfants que des parents. Les contours de la famille ont évolué : monoparentale, recomposée, dans laquelle le travail des parents prend une place très importante, parfois avec des conditions de travail (amplitude horaire) très dégradées… Ces nouvelles formes impliquent davantage les grands-parents, présents régulièrement dans l’organisation de la semaine ou seulement pendant les vacances. C’est une contribution affective, mais aussi économique : le Conseil d’analyses économiques estime à 30 milliards d’euros par an le coût évité pour la collectivité. Il s’agit des transferts de dépenses pour les descendant·es, comme pour les ascendant·es : les retraité·es sont nombreux·euses à accompagner leurs parents en perte d’autonomie, 45 % de celles et ceux qui le font y consacrent plus de 5 heures par semaine. Selon les prévisions de l’Insee de 2016, il faut s’attendre à une explosion du grand âge : le nombre de plus de 85 ans va être multiplié par quatre d’ici 2060, ce qui va générer autant de besoins en termes d’aides à apporter. La disponibilité des retraité·es est donc bienvenue, voire essentielle, pour assurer ce rôle pivot auprès des petits-enfants comme des aîné·es.
Il fut un temps où les retraité·es possédaient un pouvoir d’achat important : aujourd’hui, il faut compter avec une part de plus en plus importante de retraité·es pauvres, pour les autres, c’est de toute façon la fin d’un âge d’or. Le Conseil d’analyses économiques l’avait annoncé en 2006, le COR l’a confirmé en 2020 : la baisse des pensions, la hausse des contributions (CSG…), l’absence de revalorisation ne permettent pas de maintenir un même niveau de vie. Néanmoins, d’autres sources de « gains » en termes économiques se font jour, des centaines de milliers d’emplois sont en jeu : il s’agit de produire des biens de consommation pour les personnes âgées spécifiquement. L’économie du vieillissement, ou Silver économie, sera un moteur de la croissance (de 150 à 300 milliards d’euros) et pourrait générer des milliers d’emplois avec le vieillissement de la population.
Les retraité·es, essentiel·les pour « faire société »
Essentiel·les dans la sphère familiale, les retraité·es prennent aussi souvent leur part dans la vie de la cité : ils et elles sont élu·es dans les municipalités ou donnent de leur temps de citoyen·nes et s’engagent auprès des collectivités locales. Ils et elles sont aussi essentiel·les dans l’organisation et le bon fonctionnement de la société : ce sont des piliers du domaine associatif, bénévoles au quotidien, ou en postes de responsabilités (48 % des président·es d’association sont des retraité·es). Ils et elles permettent aux associations (plus d’un million en France) de fonctionner, très souvent en appui des services publics qui sont parfois défaillants. C’est donc une solidarité concrète qui se déploie à travers ce bénévolat, et cela participe du projet de société que l’on défend.
Un projet de société que l’on pourrait aussi décliner de façon un peu décalée, en posant les questions sur un plan philosophique : en quoi ce « temps libéré » participe-t-il au progrès de la société ? Ne peut-on ériger en valeur le droit à la paresse, la liberté de ne rien faire ? Le droit de revendiquer son juste dû, le salaire différé, et le droit au repos ? Vanter les valeurs intergénérationnelles du système de retraites, céder la place à la jeunesse ? Célébrer la fin du travail, la vie après le travail ? Un temps retrouvé pour transmettre une mémoire familiale, un patrimoine ? Pour faire autre chose et ne rien faire ? En tout cas, pour une société de progrès. ●
Véronique Ponvert
(1) Drees, « Les retraités et les retraites », édition 2021.