Les contours exacts de la nouvelle contre-réforme de Macron ne sont pas encore connus mais le recul de l’âge d’ouverture des droits (AOD) serait injuste.
L âge d’ouverture des droits est celui à partir duquel on peut partir à la retraite avec une pension. Il est actuellement de 62 ans (57 ans pour les corps de fonctionnaires relevant de la catégorie active) et le gouvernement envisage de le repousser à 64 ou 65 ans.
Au regard de l’augmentation de la durée d’assurance requise (43 annuités pour les générations 1973 et suivantes) et de l’âge d’entrée dans la vie active de plus en plus tardif, un nombre croissant de salarié·es sont doivent poursuivre au-delà de 62 ans pour avoir une carrière complète, ou la moins incomplète possible.
L’âge effectif de départ à la retraite augmente depuis plusieurs années de façon continue dans tous les secteurs d’activité. Il est de 63,3 ans dans le secteur privé (2020), de 62,6 dans la FPE et 62,5 dans la FPT (2021).
Mais pourtant, acter dans la loi un tel recul constaté dans les départs actuels aurait des conséquences néfastes.
Principale mesure, le recul de l’âge de départ
Contrairement à la réforme systémique à points qui impactait défavorablement le montant des pensions de l’ensemble du salariat et en particulier des fonctionnaires, le recul de l’AOD aurait comme conséquence théorique l’augmentation du niveau de pension pour une partie de la population.
En effet, obliger à travailler deux ou trois ans de plus, c’est obliger à cotiser plus longtemps, et au final, avec plus de trimestres, la pension est meilleure et l’éventuelle décote moins importante.
Par exemple, Benoît, né en 1978, doit actuellement cotiser 43 annuités pour avoir une carrière complète. Il a commencé à travailler à 21 ans. S’il part dès l’AOD atteint :
✔ À 62 ans actuellement, il aura cotisé 41 annuités. Sa pension n’atteindra pas les 75 % de son dernier salaire et sera minorée de 10 % (5 % de décote par année manquante).
✔ À 64 ans, si la réforme est mise en œuvre, il aura une pension complète : 75 % de son dernier traitement et sans décote mais plus usé par le travail.
Cependant un tel raisonnement ne prend pas en compte un certain nombre d’éléments concrets.
Tout d’abord, dans le secteur privé, au moment de partir à la retraite, 4 salarié·es sur 10 ne sont pas en emploi (chômage, maladie, RSA…). Pour elles et eux, reculer l’âge d’ouverture des droits reviendrait à prolonger cette période de précarité.
Par ailleurs, l’évolution de l’espérance de vie à 60 ans progresse moins vite depuis 2014, seulement 0,2 année par décennie pour les femmes et de 0,6 année pour les hommes contre 1,5 à 2 ans par décennie auparavant. Donc, le temps passé en retraite se réduirait fortement.
De plus, les différences selon les catégories socioprofessionnelles ne sont pas prises en compte. L’espérance de vie à 35 ans des ouvrier·eres est inférieure à celle des cadres de 6,4 ans pour les hommes, et de 3,2 ans pour les femmes (1). Autre façon de matérialiser les inégalités devant la retraite, les 5 % les plus aisé·es ont une espérance de vie supérieure de treize ans à celle des 5 % les plus pauvres chez les hommes, et de huit ans chez les femmes(2).
Une réforme sur plusieurs paramètres ?
Actuellement, il y a 5 ans d’écart entre l’âge d’ouverture des droits et celui d’annulation de la décote. Le maintien de cet écart entraînerait le recul de l’âge d’annulation de la décote à 69 ou 70 ans… Une telle mesure aurait des conséquences pour celles et ceux dont la carrière serait incomplète (carrière hachée, début tardif de l’activité professionnelle) qui devraient non seulement travailler, ou rester dans une trappe d’inactivité forcée, plus longtemps, sans pour autant pouvoir améliorer le niveau de leur pension.
Autre paramètre évoqué, l’accélération de la mise en place de la réforme Touraine avec pour conséquence d’arriver à 43 annuités avant la génération 1973. Cette augmentation du nombre de trimestres à valider toucherait les générations les plus proches du départ à la retraite.
Ou encore évoqué plus crûment, l’allongement de la durée d’assurance au-delà des 43 annuités.
Quelle que soit leur situation, l’ensemble des salarié·es se verraient lourdement pénalisé·es avec cette réforme des retraites. Tous·toutes impacté·es, tous·toutes mobilisé·es ! ●
Émilie Moreau
1) Insee Première, n° 1584, 2016.
2) Insee Première, n° 1687, 2018.