Luc Chatel a laissé filtrer l’idée de « masters en alternance permettant très en amont une mise en contact avec les élèves ».
Sur quoi s’appuie cette proposition ?
– Le contenu des masters n’est pas satisfaisant pour de nombreux étudiants : trop lourd en nombre d’heures de cours, débouchés limités au concours, faiblesse sur le fond du contenu professionnel.
– La pression sociale pour voir au plus tôt « le terrain » contribue à justifier l’idée qu’il est possible, voire nécessaire, de mettre des étudiants devant classe. Gilles Baillat, président de la Conférence des directeurs d’IUFM, pense de son côté qu’en rendant obligatoires les stages avant le concours, cela augmenterait l’attrait des masters enseignement par rapports aux masters disciplinaires et aux formations privées.
– De plus en plus statuts cohabitent dans les écoles : étudiants en stage, fonctionnaires stagiaires, jeunes brigade ou ZIL car sans poste… Cela habitue à l’idée qu’on peut enseigner sans formation et sur des temps, des supports divers.
– Du point de vue local, le manque de moyens de remplacements pousse à chercher et accepter n’importe quelle solution.
L’académie de Versailles a publié un communiqué indiquant qu’elle met en place l’an prochain des stages dès la licence, en tant qu’assistants d’éducation puis assistants pédagogiques, et des stages tout en long de l’année, en tant qu’enseignant vacataires, en master.
Quels sont les dangers ?
Les masters en alternance seraient une étape supplémentaire dans l’entrée de non-titulaires dans la fonction publique. 300 000 enseignants sont devant classe dans le premier degré. L’objectif du ministère était de mettre en place 50 000 stages en responsabilité de quatre semaines l’an dernier pour le 1er et le second degré. Les chiffres réels sont inconnus, même si c’est probablement autour de 20 000 pour le premier degré (si on se réfère au nombre d’étudiants en master 2). C’est déjà énorme, puisque cela représente un rapport de 7% par rapport au nombre d’enseignants du premier degré, même si ce n’est que pour quatre semaines pour l’instant.
En généralisant les stages en master, on peut facilement doubler le nombre de contrats. En se calquant sur la durée des stages en master pro (souvent 4 à 6 mois), on peut se retrouver facilement avec des stages durant la moitié de l’année, ou à quart temps sur toute l’année.
De quoi largement combler les besoins en remplacements pour la formation continue ou les temps partiels… et décupler la précarité dans l’éducation nationale.
De nombreux assistants d’éducation font déjà du travail de remplacement dans les écoles, l’entrée de ce type de contrats ou, pire, “d’assistants pédagogiques”, généraliserait la présence de contractuels précaires, avec des temps de travail et des conditions salariales dégradées par rapport aux titulaires.
Souvent, le coût des contractuels est mis en avant comme frein au développement de ce type de contrats. Mais, cette année, les étudiants en stage sont payés 617,40 euros bruts la semaine, soit 2000 euros par mois environ… sans congés ! Donc, si on incorpore les congés (16 semaines sur 52, soit 30%), on se retrouve avec un salaire de 1400 euros nets pour ces contractuels. C’est donc largement rentable pour le ministère, puisque ces contractuels sont moins bien payés que les titulaires et en CDD modifiables chaque année.
Le plus gros coup idéologique du ministère est le cercle vicieux suivant : on réduit le nombre de postes, on recrute des contractuels pour faire face aux besoins, on réduit le nombre de postes puisque les besoins sont colmatés par les contractuels.
Les revendications à mettre en avant
Face à cette nouvelle attaque, nous pouvons apporter plusieurs arguments et revendications :
– Le ministère, en posant la question du recrutement de dizaines de milliers de contractuels, reconnaît qu’il y a une pénurie de moyens. Nous devons d’autant plus revendiquer l’augmentation du nombre de postes aux concours.
– De nombreux étudiants seront attirés par ces contrats, faute d’argent et en espérant se faire la main dans le métier, voire entrer dans le métier par ce biais. Nous devons bien sûr être aux côtés des collègues qui seraient recrutés comme contractuels, mais nous devons aussi empêcher ces recrutements. Nous devons montrer la logique de ces recrutements sur des contrats précaires, payés au rabais, et revendiquer des postes de titulaires. Nous sommes aussi favorables, avec un pré-salaire étudiant, comme revendiqué par les syndicats étudiants.
– Toute cette histoire remet en lumière l’absurdité de ces masters qui préparent à la fois au concours, au métier, à la recherche, à des reconversions et comportent des stages. Il faut revendiquer un concours sous condition de licence, avec une formation post-concours rémunérée qui débouche sur un master.