Après des propos publiés par Le Parisien plutôt mal accueillis par les enseignants, Pap Ndiaye devait tenter quelque chose. Dans un message envoyé le 27 juin au soir, le ministre de l’éducation nationale s’adresse à tous les enseignants. Sans ambiguïté il dit vouloir continuer les orientations pédagogiques de son prédécesseur. Et il promet aussi de « mieux rémunérer les professeurs » tout en liant cet effort à « mieux les former tout au long de leur carrière ». Là aussi on reste dans la continuité.
Une touche personnelle
» Je voudrais vous faire part de quelques grands axes de notre ministère. Il ne s’agit pas d’une feuille de route détaillée, mais plutôt des grandes directions stratégiques qui seront les nôtres ». Dans un message adressé à tous les enseignants le 27 juin au soir, Pap Ndiaye fixe à son ministère « une mission décisive » et 5 « grandes directions stratégiques ».
Commençons par la « mission décisive ». Il s’agit de faire de l’école » un abri contre les préjugés de toutes sortes » et « d’enrayer les replis qui sont consolateurs en apparence, dévastateurs en réalité… Collectivement, nous pouvons faire en sorte que de jeunes esprits ne soient pas attirés par le ressentiment et le pessimisme ». On appréciera le choix des mots. Un autre ministre aurait pu glisser islamisme ou séparatisme. Cr on comprend bien que c’est de cela qu’il s’agit. Mais Pap Ndiaye préfère parler de ressentiment ou de repli. Il signe ainsi sa différence en début de message.
Continuité pédagogique
Mais cela ne dure pas. Quand Pap Ndiaye parle pédagogie, on est dans la continuité. « L’accent mis sur les savoirs fondamentaux », dit le ministre. « La priorité continuera d’être donnée au français et aux mathématiques : dans les enseignements dispensés à nos élèves jusqu’à la fin de la sixième ». Est-ce une allusion à l’aménagement déjà décidé pour la 6ème par JM Blanquer ou à celui annoncé par E Macron ? Le ministre dit vouloir continuer le plan, français et le plan maths dans le 1er degré. Il annonce un « plan maternelle » visiblement tourné vers la maitrise du français et des maths. Là aussi on reste dans la scolarisation de la maternelle. Rappelons que l’école française est déjà la championne européenne des fondamentaux à l’école primaire sans que cela ait donné d’excellents résultats.
Une autre impasse est dessinée par le ministre quand il évoque la lutte contre les inégalités, hissée au rang d’une des 5 directions stratégiques. » Nous allons renforcer ce qui existe déjà, innover quand il le faut, pour que les inégalités de naissance soient mieux combattues par l’École », écrit-il. L’intention est très estimable. Mais c’est un peu court. Croire que pour faire face aux inégalités scolaires, qui sont structurelles, il suffit « d’innover » montre que là aussi le ministre poursuit la ligne dessinée par JM Blanquer.
Nouveau programme plus écologique
Le troisième axe concerne « le bien être des élèves » auquel le ministre associe l’école inclusive. Cela l’amène à la lutte contre les discriminations, présentées de façon assez précise. » Cet esprit de vigilance, d’écoute, doit aussi concerner les actes et les paroles de discriminations, de haine raciste, antisémite, de violence sexiste ou sexuelle. Le bien-être des élèves nécessite que l’école soit un lieu sans préjugés, sans paroles et sans actes d’intimidation, un lieu laïque également ».
Le quatrième axe est écologique. P Ndiaye entend le mener sur deux fronts. Le bâti scolaire avec « une refonte de nos actions avec les collectivités territoriales ». En réalité le sujet les concerne. Et puis « renforcer les programmes d’enseignement », et P Ndiaye annonce une saisie du Conseil supérieur des programmes sur ce point.
La revalorisation reste dans le flou
Le ministre a gardé la revalorisation des enseignants pour la fin. » La baisse continue depuis plusieurs années de l’attractivité des concours de recrutement est un signal d’alarme, la preuve d’une crise qui concerne les conditions de travail, la dynamique et les évolutions de carrière, la représentation sociale du métier et aussi une situation économique qui n’est plus à la hauteur des efforts exigés », dit il. P Ndiaye prend donc la revalorisation comme un ensemble qui inclut la considération des enseignants dans la société. « Mieux rémunérer les professeurs, mais aussi, et je relie volontairement ces deux objectifs, mieux les former tout au long de leur carrière ». Pap Ndiaye se garde bien de fixer un montant à la revalorisation. L’annonce de 2000€ pour les professeurs débutants sans donner d’indication sur les grilles indiciaires a été mal accueilli par les enseignants. D’autant que le ministre ajoute que le budget 2023 n’est pas calé.
Silences inaudibles
Le 14 juin, à la sortie du conseil des ministres, P Ndiaye avait déjà présenté sa feuille de route. On voit tout de suite les différences. Le 27 juin, le ministre salue la capacité des enseignants à s’adapter aux protocoles sanitaires. Le 14 juin il a annoncé un nouveau protocole pour la rentrée. Ce même jour il avait évoqué une revalorisation au mérite, ce qu’il se garde de faire. Il avait annoncé une revalorisation immédiate pour les contractuels, alors que celle des titulaires est repoussée à septembre 2023.
Finalement ce message aux enseignants se distingue peu des déclarations ministérielles précédentes. Il n’apporte pas de réponse aux questions des enseignants sur leur revalorisation. Pire il annonce le maintien d’orientations pédagogiques qui sont mal supportées sur le terrain par la grande majorité des enseignants si l’on en croit, par exemple , le Baromètre Unsa ou les sondages réalisés pour la Fsu. Ministre d’E Macron, Pap Ndiaye s’installe dans la continuité pédagogique et dans le prolongement des promesses de revalorisation. Personne pour lui dire que ce n’est plus audible par les enseignants ?
François Jarraud
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