Par Arnaud Malaisé
Malgré une situation complexe pouvant apparaître un peu plombante, la période actuelle ouvre de réels possibles. Cet aspect un peu plombant, c’est tout d’abord la menace fasciste qui atteint son plus haut niveau électoral. Au final, si elle se voit écartée du pouvoir avec la réélection de Macron, sa mise à l’écart pourrait n’être que provisoire car elle se nourrit des dégâts du néolibéralisme et de la droitisation du débat médiatique. Les années à venir seront déterminantes pour soit réussir à la museler, soit la voir revenir encore plus forte.
Pour autant, le fait majeur de la séquence électorale en cours donne de l’élan avec une clarification à gauche sur une ligne qui rompt avec le néolibéralisme. Entre ce néolibéralisme et l’identitarisme xénophobe, l’espace politique existe bel et bien pour un programme de rupture qui apporte de premières réponses aux urgences. Cela nous conforte dans notre projet syndical qui pose lui aussi une nécessité de ruptures fortes avec le modèle de société actuel. Cela crée également un espoir parmi les salarié·es et plus largement la population. L’espoir d’en finir avec l’inexorable application du projet néolibéral depuis des années. Les législatives sont ainsi à fort enjeu avec l’union des principaux partis de gauche, une union vraiment à gauche et pas sur l’habituelle base tiède. Quel sera le rapport de force final des trois blocs issus de la présidentielle ? Y aura-t-il ou pas une cohabitation ? Tout le monde perçoit bien les années tumultueuses à venir si Macron obtenait une majorité à l’Assemblée. Cela obérerait les possibilités de répondre enfin aux urgences sociales, environnementales, féministes et démocratiques. Et surtout, cela conduirait à de nombreux reculs sur tous les terrains, des retraites à la bifurcation écologique en passant par l’ensemble des services publics, cela fracturerait encore plus profondément la société et enfin cela ouvrirait en grand la possibilité d’un accès au pouvoir de l’extrême-droite pour le coup d’après. De sacrés enjeux…
La question, pas simple non plus, qui se pose à nous est celle de la place pour le syndicalisme dans cette séquence. Je ne reviens pas sur notre indépendance, une évidence et une nécessité, mais cela ne veut pas dire non plus indifférence ou encore moins neutralité. Une forme de ritournelle dans notre débat de ce matin qui ne doit pas non plus nous obliger à nous contenter d’une forme d’intervention traditionnelle et habituelle du syndicalisme lors des élections. Il s’agit bien de pousser jusqu’au bout les pistes des possibles qui s’offrent à nous, en tant que syndicat, pour convaincre les salarié·es de voter aux législatives et de voter pour battre l’extrême-droite et le néolibéralisme. Nous sommes dans une forme de tournant politique, un tournant qui va quelque peu conditionner la vie des gens comme le réel de notre syndicalisme. Et pourtant, quel que soit le résultat du 19 juin, il est clair que notre syndicalisme devra mobiliser les personnels très rapidement. Soit, pour obliger le nouveau gouvernement de gauche à appliquer et à aller encore plus loin dans son programme. Soit, pour lutter pied à pied contre la poursuite des politiques néolibérales. On est bien conscients que ce ne sera pas la même chose…L’illustration des retraites est éclairante. Soit, nous devrons batailler pour imposer les 37 annuités et demi et la prise en compte des années d’études, des carrières fragmentées et des périodes de chômage, batailler pour supprimer la décote et batailler pour accélérer le calendrier du retour à 60 ans pour toutes et tous. Soit, dans l’autre cas de figure, nous devrons batailler contre le recul brutal de l’âge de départ à 65 ans. Vraiment pas la même. D’où la nécessité de pousser notre réflexion jusqu’au bout durant ce CDFN sur la place du syndicalisme dans cette période.
Pour peser sur ce futur qui n’est pas encore écrit, nous disposons de plusieurs possibles d’ici au 19 juin. Bien évidemment, c’est plutôt classique et prévu lors de ce CDFN, un appel de la FSU à voter et à infliger une défaite politique à l’extrême-droite et au néolibéralisme. Un appel complété d’une campagne d’interpellations multiples et diverses des candidates et candidats avec une communication très large aux personnels de ce qu’il en ressort, et pourquoi pas des interpellations communes avec CGT et Solidaires.
Prendre toute notre place dans la séquence électorale, décrypter dès à présent la feuille de route néolibérale du gouvernement Borne, se préparer à mobiliser quoiqu’il en soit le 19 juin, avancer concrètement dans la nécessaire unification syndicale…Nous avons un programme bien chargé mais nous pourrions contribuer à rendre ce printemps plus enthousiasmant que prévu.