Cet été, Israël a lancé une nouvelle offensive, la plus meurtrière depuis son retrait de la bande de Gaza en 2005. Plus de 2100 morts, principalement des civils, et une région – soumise à un blocus depuis 8 ans – totalement dévastée. Ainsi, un porte-parole de l’UNRWA à Gaza déclarait début septembre que : « Si on estimait que Gaza allait devenir un endroit inhabitable d’ici 2020 – et cela avant le dernier conflit – l’échéance est donc aujourd’hui considérablement avancée. » En ajoutant qu’ « avec au moins 20 000 maisons endommagées ou détruites, des kilomètres de structures d’acheminement de l’eau détruits, des millions de litres d’eaux usées déversés chaque jour dans la mer, ainsi que les effets destructeurs du blocus, l’espérance de vie de la bande à Gaza est encore davantage raccourcie ». Le feu israélien s’est également abattu sur les territoires de la Cisjordanie faisant près de 40 morts au cours des deux mois d’été, répression accompagnée de plus de 2000 arrestations arbitraires.
La justification donnée par le premier ministre israélien d’une « riposte » suite aux décès de trois jeunes colons à Hébron ne tient pas évidemment pas. Cette nouvelle opération militaire israélienne a été une réponse directe au fait politique majeur que constituait, pour la première fois depuis 2007, la formation d’un gouvernement d’unité nationale entre le Fatah et le Hamas. Les bombardements massifs sur Gaza, visant des quartiers entiers, relève de fait d’une logique de punition collective. Il en est ainsi de la destruction complète du quartier de Shejayia, dans la banlieue de la ville de Gaza, bastion du Hamas totalement réduit en ruines pour cette seule raison.
Au lendemain du cessez-le-feu, les éditorialistes se demandaient qui avait gagné la guerre ? Questionnement précipité, ce conflit ne répondant pas aux critères traditionnels d’une guerre, le déséquilibre entre les forces en présence étant abyssal. Reste cependant à tirer quelques enseignements de cet énième épisode meurtrier. Le premier, côté palestinien, est la confirmation de l’unité palestinienne, de la gauche palestinienne très présente à Gaza avec le FPLP, au Fatah, en passant par le Hamas et le Jihad, principales forces militaires à Gaza. Cette unité politique, si elle résiste aux pressions internationales actuelles, peut être un élément redynamisant l’ensemble du mouvement national de libération de la Palestine, en grande difficulté, depuis l’échec du processus d’Oslo. La « victoire » militaire célébrée par ces différentes factions depuis Gaza est, elle, davantage sujette à caution. Si l’armée israélienne a subi ses plus importantes pertes depuis l’invasion du Sud Liban en 2006, la situation concrète à Gaza est à l’heure actuelle identique à celle de fin juin. Le blocus perdure, contrairement aux premières annonces, seules les livraisons humanitaires étant autorisées. Or, les besoins de matériaux de construction sont massifs et vitaux, et les convois ne sont toujours pas autorisés. Sans compter les restrictions quasi-totales aux exportations, condition sine qua non à la résolution de la grande pauvreté qui touche la population gazaouie. L’autre enseignement est la radicalisation de la société israélienne, qui confirme l’inanité actuelle des discours promouvant « un dialogue entre les progressistes des deux camps » comme solution au conflit. Les sondages, la teneur des discours politiques et médiatiques libérant totalement la parole raciste, et peut-être surtout les violences infligées aux quelques centaines de militant-es anticolonialistes par des nervis d’extrême droite, sont autant d’indication d’une extrême droitisation de la société israélienne. Les anticolonialistes israéliens en font le constat amer et délivrent un message clair : il faut renforcer partout la campagne BDS et la tâche des mouvements de solidarité est de s’y atteler. Ainsi, Michel Warschawsky, militant anti colonialiste israélien, d’appeler à « donner un nouveau souffle à la campagne BDS à travers le monde, et les organisations et mouvements qui disent soutenir les droits nationaux du peuple palestinien doivent saisir l’occasion pour donner un nouvel élan aux initiatives visant à sanctionner Israël pour ses actes criminels. En particulier exiger de leurs gouvernements respectifs qu’ils saisissent les instances judiciaires internationales pour enquêter sur le massacre et, le cas échéant, traduire les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale. Ce qui a été juge dans le cas de l’ex-Yougoslavie ne peut rester dans l’impunité quand il s’agit du peuple palestinien ». ●
Julien Rivoire