La politique libérale conduite par le pouvoir socialiste
a produit la déroute électorale du PS et le réveil de la droite.
Elle a permis au FN et à l’extrême droite de gagner un début d’implantation locale (14 maires et 1 625 conseillèr-es).
La lutte du mouvement social contre l’austérité passe
par la résistance aux réponses xénophobes et réactionnaires
que l’extrême-droite y apporte.
Les reculs et défaites du mouvement social face aux exigences de la finance, le choix par le pouvoir d’une politique qui favorise l’accroissement des inégalités et de la pauvreté, les « affaires » qui souillent la vie politique nationale et locale, ont entraîné une forte abstention populaire et une colère dévoyée par le Front National.
Le F.N. s’est aussi nourri de la propagation des idées réactionnaires, racistes, sexistes, homophobes et nationalistes diffusées par les « Manif pour tous », « Printemps français », « Jour de retrait de l’école » et autre « Jour de colère »
La complicité idéologique d’une partie importante de la droite avec les thèmes frontistes a contribué aussi fortement à la banalisation de ce vote extrémiste. Les politiques continues – de droite comme de gauche – de chasse à l’humain et reconduites forcées de personnes en détresse, ont légitimé les idées xénophobes.
En ce mois de mars 2014, plus de 36 % de la population s’est détournée des urnes, marquant son désaccord avec les politiques successives, avec les programmes proposés, quels qu’ils soient.
11 mairies sont désormais gérées par le FN ou par un maire élu avec son soutien. Quatre autres le sont par la « Ligue du Sud », de Jacques Bompard maire d’Orange.
La plupart de ces mairies ont été conquises grâce à des triangulaires (Mantes-la-Ville en Ile-de-France, Béziers ou le septième secteur de Marseille), ou à des quadrangulaires (Beaucaire et Hayange).
Seules Hénin-Beaumont (50,26 %), Orange (59,82 %) et Cogolin (53,1 %) ont été conquises avec une majorité absolue.
L’extrême droite a aussi obtenu environ 1625 sièges de conseillers municipaux dont environ 1 200 pour le seul F.N. Cela correspond à son score de juin 1995.
Or, à la différence de 1995, beaucoup des nouveaux maires et conseillers municipaux sont jeunes et inexpérimentés. L’enjeu pour le F.N. est de reconstruire un appareil avec ces militants élus.
**FN-Droite : des vases
communicants
plutôt que des alliances
Il n’y a eu que deux listes d’alliance droite extrême droite : à L’Hôpital, en Moselle, et à Villeneuve-Saint-Georges dans le 94.
Cette quasi-absence d’alliances, alors que le terrain idéologique était préparé à droite, s’explique en partie par les forts scores de la droite UMP et UDI (en mesure quasiment partout de se maintenir au second tour). Le coût politique étant plus élevé que le bénéfice électoral, il n’y a eu ni retrait de candidat-e-s au profit du FN ni « front républicain ».
Par ailleurs, le FN n’était pas demandeur d’alliances avec des bribes de l’UMP avant les Européennes.
Cependant, plus que dans le passé, les électorats respectifs de la droite et de l’extrême droite ont souvent pratiqué « l’union à droite ». Les listes FN reculent parfois entre les deux tours, au profit de la droite pour battre une équipe municipale de gauche sortante.
Parfois le FN est « investi » de la « mission » de battre la gauche municipale. Dans ce cas de figure, le FN progresse d’un tour à l’autre, comme à Avignon où le FN obtient 29,63 % au premier puis 35,02 % au second tour.
**Une gestion municipale
d’extrême droite
Le mandat des nouveaux maires d’extrême droite, commence par des actes symboliques forts.
Le nouveau maire FN d’Hénin-Beaumont, Steve Briois prive la LDH de son local et réclame « 36 000 euros de loyers impayés ». Marine Le Pen a annoncé que les mairies FN allaient supprimer les « repas de substitution » dans les cantines scolaires aux élèves musulmans, juifs ou qui ne mangent pas de porc.
Le Front national pourrait mettre en œuvre une gestion idéologique, comme à Vitrolles, de février 1997 à octobre 2002 : changements de noms imposés à des rues, introduction d’une « prime de naissance » aux seuls parents européens. Ou comme à Orange en 1995 avec l’épuration de la bibliothèque locale.
Ses représentants locaux pourraient être tentés d’utiliser les leviers de commande à des fins personnelles : de proposer des emplois aux copains, de se servir au passage sous forme de contrats et de commandes publiques. Mais l’exemple de Toulon entre 1995 et 2001 est plutôt considéré comme « ce qu’il ne faut pas refaire » par les dirigeants actuels du FN.
C’est pourquoi les municipalités FN voudront surtout faire preuve d’une capacité à « gérer en bon père de famille », faisant ainsi la preuve d’une certaine « normalité ». Ceci tout en orientant les coupes budgétaires -les baisses d’impôts promises aux électeurs- vers certains groupes de préférence minoritaires ou ethnicisés.
Le journal Le Monde répertorie ces premières mesures qui s’inspirent du « guide de l’élu du FN ».
En première ligne, la réduction des dépenses (taxe d’habitation notamment) est couplée avec une baisse des dépenses de fonctionnement des services communaux (avec des exceptions pour les indemnités des élus à Cogolin et à Luc !) et des coupes dans les subventions aux associations « étrangères, politisées ou communautaristes »… de la FCPE à la Licra en passant par la CGT et la LDH !
Une autre série de mesures met en cause des communautés : recours contre des lieux de culte musulman (permis de construire ou utilisation de locaux) à Fréjus ou à Mantes-la-Ville. Ou refus de commémorer l’abolition de l’esclavage le 10 mai à Villers-Cotterêts, pourtant ville de naissance du « mulâtre » Alexandre Dumas !
Il peut s’agir enfin de mesures sécuritaires comme à Béziers où Robert Ménard a décidé d’armer la police municipale et d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans !
Ainsi le parti pourra tenter de marier la « preuve d’une bonne gestion » avec des signaux idéologiques, envoyés à son électorat. Toujours est-il que cette même « gestion financière saine » peut ne pas satisfaire la composante la plus populaire de l’électorat FN.
**Irrésistible ascension ?
Dans l’absolu, les résultats de ces élections municipales peuvent être considérés comme un succès pour le FN. Ceci de façon globale : il a pu augmenter le nombre de ses conseillers municipaux, pouvant ainsi former une nouvelle génération de cadres.
Le parti contrôlera une dizaine de maires et l’extrême droite dans toutes ses composantes, une quinzaine. Cela comporte le risque, pour lui, de faire éclater certaines contradictions dans la pratique de sa gestion. Ainsi il est probable que le FN optera souvent pour la prudence.
Mais il n’est pas sûr que la direction du parti pourra toujours tout contrôler ce qui se passe dans « ses » mairies. Malgré une volonté réelle de Marine Le Pen de « garder la main », et de donner des impulsions venant « d’en haut », y compris pour pallier l’inexpérience d’une partie de l’encadrement sur le terrain, des « dérapages » restent cependant toujours possibles.
Par ailleurs, si aussi bien le FN que la droite UMP se trouvent actuellement dans une phase ascendante, très peu d’alliances sont contractées entre ces deux forces, dans la période en cours. Cette trajectoire parallèle des deux forces pourra continuer, tant que la politique ouvertement libérale et austéritaire du gouvernement poussera les électeurs et électrices dans leurs bras respectifs.
D’un côté, cet état des choses peut arranger la direction du FN : elle n’a pas besoin, à court terme, de se « compromettre » (aux yeux d’au moins une partie de ses électeurs) aux côtés d’une droite libérale et, à ses yeux, « mondialiste ».
De l’autre côté, à moyen et long terme, les perspectives d’arrivée au pouvoir du FN – à l’échelle nationale – ne se trouvent pas améliorées par cette situation. Selon un sondage publié mardi 15 avril 2014, en cas d’élection présidentielle tenue aujourd’hui, la gauche (au sens très large) serait absente du second tour. Celui-ci serait disputé, toujours selon ce sondage « OpinionWay », entre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, qui obtiendraient respectivement 29 % et 25 % des voix au premier tour.
Or, ce scénario n’est pas nécessairement celui qui arrange le plus le FN, dans la mesure où l’électorat de gauche se reporterait alors partiellement sur le candidat de droite pour faire barrage au FN.
La constellation rêvée pour le Front national reste celle d’un second tour disputé entre la gauche et lui-même, où l’électorat de la droite UMP se diviserait en deux. À court terme, ce n’est cependant pas le scénario le plus probable aujourd’hui ; mais d’ici 2017, les choses peuvent évoluer…
A nous de faire barrage, par tous les moyens syndicaux et associatifs, à l’avancée du FN, à nous mobiliser ensemble, dans toutes les villes où le FN va exercer un mandat municipal, pour veiller et surveiller ses élu-es, faire connaître leur politique et leurs (in) actions,
- à protéger et soutenir leurs victimes, pour que les électrices et électeurs puissent connaître la vraie nature de ce parti.
La journée intersyndicale du 29 janvier a été un premier jalon dans ce sens.
À nous d’en construire les suites. ●
extraits repris du site VISA
(Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes) : www.visa-isa.org/