Débat général
La période que nous traversons est tout sauf facile. Et il vaut mieux regarder la situation en face pour ne pas se décourager et appréhender ce que nous pouvons faire réellement pour inverser le rapport de force. On a l’impression que globalement l’affrontement se jouerait entre l’extrême droite et les tenants d’un libéralisme débridé (teinté d’autoritarisme). Cela peut paraître donc quelque peu désespérant.
Néanmoins, l’enjeu est de se dire et d’acter que le pire n’est jamais certain, de sortir de ce CDFN avec une forme d’allant et d’avoir une fédération et des syndicats nationaux agissants.
D’abord, et ce n’est pas une question secondaire, contrairement à ce que pourrait laisser penser les bandeaux des chaînes d’infos en continu, les revendications que porte la FSU sur la justice fiscale, sociale et environnementale sont largement majoritaires dans l’opinion. Sur les retraites, on était majoritaire et nous le sommes toujours ; sur le rôle et les missions des Services publics, on est majoritaire ; sur le fait de faire payer les riches aussi ; mais également sur la lutte contre le racisme, sur la lutte contre les VSS et les droits des femmes, sur les droits des LGBTQIA+, sur la nécessaire rupture écologique…
Ensuite, et c’est un des points difficiles de la période, les débouchés politiques pour les luttes n’apparaissent pas comme évidents. Et, alors que le débat politique commence à se structurer de plus en plus autour de l’après Macron, les mobilisations sociales se confrontent à la difficulté de les voir se traduire sur le terrain politique.
Et, de ce point de vue, ce qui fait que nous avions appelé à voter pour les candidat·es portant le programme du NFP peut paraître, pour le moins assez loin.
Trois éléments particuliers ont fait, il y a un an, que nous avions pris la responsabilité d’appeler à voter :
- Le danger de la prise de pouvoir imminente de l’extrême droite.
- L’unité des forces de gauche du NPA au PS.
- Un programme de rupture, qui en grande partie répondait aux revendications syndicales que nous portions.
Malheureusement, le premier critère n’a guère changé, voire même le risque de prise de pouvoir s’est encore accentué.
Les critères suivants ont, en revanche, beaucoup évolué. L’unité la plus large n’existe plus et une partie du programme est clairement mis aux oubliettes par les tenants d’un budget à tout prix.
Ce climat politique pèse sur le climat social en compliquant fortement l’unité la plus large du mouvement social d’une part et en créant un sentiment d’impossibilité pour les salarié·es de peser sur les choix politiques et sociaux.
Pour autant, notre syndicalisme a une implantation particulière qui lui donne sa très grande force : les équipes militantes sont au plus près du terrain et on voit bien que cela fonctionne dans les réunions de proximité où nous pouvons construire le lien entre les revendications immédiates et ce que nous portons comme projet pour la société qui s’ancre dans le réel. Sur les retraites et le retour à 60 ans, sur la PSC et le 100% sécu, dans les semaines et mois à venir sur les cartes scolaires ou les dotations dans les services, nous pouvons continuer à faire vivre un syndicalisme de proximité qui porte un projet de société.
C’est dans ce cadre que nous construisons le 2 décembre dont nous sommes conscient·es les un·es et les autres des difficultés.
Pourtant, pouvait-on imaginer que nous aurions pu passer par-dessus la nécessité de faire entendre la voix du monde du travail face à ce budget Frankenstein ?
Il nous faut pouvoir prendre les petits bougés liés aux mobilisations sur le report pour une génération (64) de la réforme des retraites ou d’un trimestre en plus sur la retraite des femmes fonctionnaires sans pour autant laisser à penser qu’il s’agit d’avancées significatives et ne pas dire merci. Nous devons pour parler à nos mandant·es, décrypter, engranger mais surtout démontrer le niveau d’attaques et la nécessaire construction de mobilisations.
Alors, dans ce contexte, il nous faut lire avec espoirs ce qui peut se passer ailleurs. La mobilisation telle qu’elle se construit en Belgique sur 3 jours en liant mobilisations sectorielles et mobilisation interprofessionnelle sur la question (oh combien internationale) de la répartition des richesses est originale et construite avec patience et étapes, cette forme d’organisation devrait nous intéresser.
Alors, dans ce contexte, et dans une dimension parallèle à la nôtre, l’élection de Zohran Mamdani à New York et de Cathy Wilson à Seattle montre que lorsqu’on porte des revendications immédiates qui améliorent la vie des gens, on peut les mobiliser et gagner.
Enfin, et ce n’est pas le plus simple, nous avons besoin d’une action syndicale qui sorte un peu des sentiers battus, qui allie défense et organisation locale des personnels, bataille culturelle pour élargir la fenêtre d’Overton, impertinence telle que la FSU a pu le porter à ses débuts pour donner à discuter et à sourire dans les cours des récré, services, salle des personnels, et à voir un syndicalisme pêchu et déterminé.
On pourrait, par exemple, pour reprendre une forme de débat entre nous qui nous a fait échanger au congrès de Rennes, agir en organisant une manif/happening pour symboliser la réquisition sans indemnité ni rachat les locaux de Stanislas. Mais on n’est pas buté·es et si c’est l’Ecole alsacienne ça nous va aussi.
Nous avons besoin d’un syndicalisme qui met toutes ses forces pour éviter l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir et dans lequel les plus précaires, les personnels racisés, les femmes, les personnels victimes d’oppressions et de discriminations, se disent qu’on est et qu’on sera toujours avec elles et eux parce qu’on est comme elles et comme eux.
