De fortes mobilisations des personnels des écoles de la Ville de Paris ont eu lieu de l’automne 2023 à décembre 2024. Des militantes du Supap-FSU (FSU territoriale 75) ont répondu à nos questions: Séverine (animatrice lecture en REP), Élise (animatrice Pôle d’enseignement pour les jeunes sourds) et Gwen (Asem*).
✓Quelles sont les causes du conflit ?
Nos conditions de travail sont déplorables et l’accueil des enfants est dégradé.
L’animation est un secteur en souffrance, mal payé et pas reconnu, avec des collègues mal ou pas formé·es et des formations non diplômantes (Bafa/BAFD sont des brevets pour la pratique occasionnelle).
Des écoles manquent de personnel. Des milliers de vacataires occupent des postes permanents. Iels sont payé.es en retard, peinent à obtenir une attestation employeur de cessation d’activité pour bénéficier de l’indemnisation chômage. Iels cumulent des emplois. Beaucoup sont aussi AESH pour avoir un salaire décent, au prix d’une journée à rallonge.
Les écoles fonctionnent en effectif réduit, parfois sans responsable du périscolaire.
Certaines n’ont pas d’animateur·trice lecture pour accueillir les enfants dans la bibliothèque : véritable ressource au sein de l’école, iels ont une prime dérisoire qui n’a jamais évolué (34,10 e brut par mois).
Le bon déroulement du périscolaire tient essentiellement sur l’investissement des équipes et leur capacité à s’adapter, y compris au sureffectif d’enfants.
Les Asem sont polyvalentes : elles assistent l’enseignant·e sur le temps scolaire, remplacent la gardienne durant sa pause, sont animatrices sur le temps périscolaire et assurent l’entretien des locaux.
✓Comment s’est déroulée la mobilisation au quotidien ?
Dès novembre 2023, nous avons appelé à des temps de mobilisation d’une semaine à six reprises. Les collègues font grève une heure par jour afin de bloquer le service de cantine.
Nous alternons entre des AG pour décider des actions et des tournées de terrain avec nos tracts. Des communiqués sont envoyés aux médias.
Nous nous rassemblons sur des lieux stratégiques, embarrassants ou visibles (entrée du conseil municipal, place de l’Hôtel de Ville, réunion d’encadrant·es).
Régulièrement nous parvenons à fermer des services de cantines et/ou périscolaires (souvent plus de 250 écoles sur 630).
Notre volonté est d’organiser des grèves visibles et perturbantes en perdant le moins d’argent possible.
✓Quels sont les rapports avec les autres syndicats ?
Nous avons une intersyndicale avec la CFDT et la CGT qui permet de peser dans le rapport de force avec la Ville (les trois syndicats représentent 2/3 des voix aux dernières élections professionnelles).
L’Unsa refuse toute mobilisation collective : la Ville s’appuie sur lui pour dénoncer les syndicats «irresponsables».
✓Les résultats ?
Nous avons obtenu des avancées: près de 1 000 créations de postes d’animateurs·trices titulaires via des «recrutements sans concours» sur trois ans, 200 transformations de postes de catégorie C en B et de B en A, des postes pour le remplacement, des primes pour les encadrant·es des écoles complexes (gros établissements, REP/REP+, classes spécifiques), l’augmentation de la rémunération pour les Asem, les animateur·trices vacataires et contractuel·les.
Mais il reste encore beaucoup à gagner.
D’autant que la Ville de Paris a durci le ton: pressions sur les grévistes, les syndicats et même sur des groupes de la majorité municipale pour qu’ils renoncent à des amendements reprenant nos revendications.
Et le budget 2025 de la Ville prévoit désormais des suppressions de postes.
C’est une véritable provocation alors que la Ville de Paris vient de rétablir début décembre la subvention au lycée privé Stanislas (lieu de graves dérives sexistes et homophobes). Cette somme pourrait permettre d’augmenter de 40 e par mois tous·tes les animateurs·trices.
La lutte continue!
Propos recueillis par Laurent Zappi
*Agente spécialisée dans les écoles maternelles.