Le consentement, ça s’apprend !

FEMINISME

  • p. 34-35 du numéro 103 de la revue de l’Ecole Emancipée, par Carla Chaumeil, Edith Brunel, Laurence Laborde, Catherine Verdier –

La section FSU de Gironde, en lien avec le Planning familial, a organisé un stage syndical sur la question du consentement. Un thème qui s’inscrit pleinement dans l’enseignement à la sexualité.

Le consentement est une notion importante qui doit être abordée dans le cadre de l’enseignement à la sexualité (EAS) dont la circulaire de rentrée 2023 rappelle qu’il « contribue à une meilleure connaissance et à un meilleur respect de soi et des autres, à la prévention des violences sexistes et sexuelles, et à la promotion de l’égalité ». Selon les textes, cet enseignement devrait figurer dans tous les projets d’école et d’établissement et chaque élève devrait bénéficier de trois séances annuelles par groupe d’âge. Une enquête annuelle par école ou établissement est censée en vérifier l’effectivité. Dans les faits, les blocages sont encore nombreux, sur le sens de ces séances, leur organisation et la formation des équipes.

Le 1er mars 2023, le Planning familial, Sidaction et SOS Homophobie ont attaqué l’État pour le contraindre à appliquer la loi de 2001 et donner réellement les moyens aux équipes de mettre en œuvre les trois séances annuelles. Certaines de leurs recommandations sont reprises dans la circulaire de rentrée 2023.

Rappelons que 37 % des femmes disent avoir déjà subi des rapports sexuels non consentis(1), 81 % des répondant·es déclarent avoir subi les premières violences sexuelles avant l’âge de 18 ans et 21 % avant 6 ans(2). 

C’est pourquoi la section FSU Gironde a contacté des militantes du Planning familial pour réfléchir sur la notion de « consentement », et organiser un stage syndical afin de mieux définir et appréhender ce sujet délicat dans un contexte d’inégalités de genres.

Comprendre le concept de consentement

Aborder cette notion clé du discours féministe contemporain est émancipateur pour les enseignant.es comme pour les élèves. Le patriarcat, les normes sociales façonnent aussi nos vies intimes. Les hommes et les femmes ne consentent pas de la même façon à des rapports sexuels : cela oblige à interroger nos propres représentations avant d’aborder cette notion avec des élèves. Cette réflexion s’est amorcée à partir de l’ouvrage de Manon Garcia La conversation des sexes. La philosophe nous offre une compréhension du concept de consentement et explique à quelles conditions, il peut être un outil d’émancipation et une invitation à une nouvelle conversation érotique entre égales et égaux. Cela recoupe la définition qu’en donne l’ONU femmes : il doit être enthousiaste, donné librement, informé, spécifique et réversible.

Préparé sur un an, ce stage a réuni plus de 90 collègues – enseignant.es, infirmières, assistantes sociales, accompagnant·es des élèves en situation de handicap (AESH), conseiller·ères principales d’éducation (CPE), psychologues, ce qui dénote un fort intérêt pour le sujet et représente une belle occasion syndicale de construire du fédéral. Soucieuses de nous inscrire dans une démarche d’éducation populaire, nous avons proposé plusieurs initiatives pour rencontrer des collègues et les associer à la préparation, tissant ainsi des liens fertiles dans un processus de formation amené à se poursuivre.

Pendant la journée de stage, l’usage de la méthode de Delphes a permis de faire participer les stagiaires seul.es puis en situation de coopération progressive pour trouver un consensus sur la définition du consentement. Les énoncés produits ont été ensuite affichés et ont nourri les discussions pour le reste de la journée.

Les stagiaires ont été aussi invité.es à se positionner lors d’un débat mouvant à partir de phrases comme « Il faut davantage éduquer les filles que les garçons au consentement » puis à exposer les raisons de leur choix.

Inspirée par cette technique, une étudiante en design nous a présenté un plateau de jeu de la ligne, qui sert de support à un débat entre élèves. Les collègues du primaire ont cherché des phrases adaptées aux débats des plus jeunes : « Je peux faire des chatouilles à tout le monde » ou « tout le monde peut me faire des chatouilles ».

Utiliser des situations concrètes

En maternelle, nous avons transposé des situations vécues dans des saynètes jouées à l’aide de marottes : « Est-ce qu’on peut toucher les oreilles de petit lapin quand on veut ? » Il nous a semblé important de différencier les situations en fonction de l’âge des élèves : aider les plus jeunes à se connaître, à savoir ce qu’ils et elles aiment, veulent pour être en capacité de dire « non/je ne sais pas/oui », et apprendre aux plus grand·es à tenir compte de l’autre, à se mettre à sa place. Et aussi instituer des règles en début d’année et en construire d’autres avec les élèves. En tant qu’enseignant.es, avoir une attitude en accord avec ce qu’on leur propose : demander si on peut les toucher, par exemple leur prendre la main, les habiller. Et inversement leur dire clairement que nous ne souhaitons pas qu’ils et elles nous tapotent pour nous demander quelque chose par exemple.

Ce stage a été l’occasion de mutualiser nos lectures, nos ressources en littérature jeunesse. Nous avons aussi partagé des expériences : une infirmière a témoigné de la façon dont elle avait abordé le consentement auprès d’une classe de CE1-CE2, où certains garçons avaient des gestes déplacés envers les filles. Elle a ainsi abordé la notion d’intimité, qu’elle a élargie aux concepts de bon ou mauvais secret, que l’on peut partager avec un adulte de confiance pour se protéger. Elle a conçu un jeu sous forme de questions / réponses pour comprendre ce que sont le consentement et les différentes manières de dire « oui » ou « non »

Dans le second degré, les collègues ont proposé des exemples concrets visant à intégrer cette notion dans des séquences disciplinaires ou à travers des propositions extra-disciplinaires. Pour l’instant, ces questions restent l’apanage des infirmières et de quelques collègues, souvent militant·es par ailleurs, qui organisent des temps dédiés.

Aborder la question des violences

Lors d’échanges avec nos collègues, la question des violences subies par nos élèves est apparue et nous avons décidé d’y consacrer un temps pendant le stage : une assistante sociale a donné des pistes pour faire émerger la parole des enfants, être en capacité de l’entendre et identifier les relais nécessaires.

Le besoin de formation sur cette question est encore énorme. Il nous faut le prioriser, comme le préconise l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR, juillet 2021) dans ses recommandations : mieux cerner l’éducation à la sexualité et renforcer la formation des équipes.

Travailler cette notion avec les élèves est aussi une manière de libérer leur parole sur les violences qu’iels peuvent subir. Elle permettrait de multiplier les personnels ressources dans les établissements. En Aquitaine, il semblerait qu’un plan de formation soit engagé auprès des collègues de SVT pour qu’iels deviennent des relais sur cette question. Mais cette notion de consentement est bien plus large et mériterait de devenir un fil rouge des programmes si on veut vraiment voir reculer les violences sexistes et sexuelles. Nous avons acté lors de ce stage la volonté commune de poursuivre ensemble cette dynamique de formation par des soirées débat, du théâtre forum, des stages. ■

L’ensemble des ressources du stage est disponible ici.

Notes :

1. Rapport HCE 2023 sur l’état du sexisme en France.

2. Enquête de l’Association mémoire traumatique et victimologie 2015.