Dénoncer, lutter contre l’infantisme

Dans le Béarn quand nous étions jeunes on nous disait :
 « Si t’es pas sage, t’iras à Betharram ! »
Nous savions tous. Nous savions toutes. (Enfin sauf un a priori)

Notre Dame de Bétharram, établissement catholique, ayant bénéficié d’un million d’Euros de subventions départementales entre 1995 et 2025, sans aucun contrôle de l’Etat. (Vivement la nationalisation sans indemnité ni rachat !)

Betharram : plus de 150 dénonciations pour violences, dont près de 70 d’ordre sexuel, pour la plupart prescrites. Et ce n’est que la partie émergée : d’une manière générale, 40% des victimes sont touchées par une amnésie traumatique.

La rupture de silenciation a entraîné de nouvelles plaintes dans d’autres établissements catholiques.

Ces « affaires », mises en regard avec les 300 victimes du chirurgien pédocriminel Le Scouarnec , ou avec les homes indiens de Guyane, montrent un cautionnement implicite par les institutions : Ordre des médecins, Eglise, Etat, les bouches restaient closes malgré les dénonciations.

Ces complicités récurrentes confortent une impunité durable des agresseurs et permettent aux dominants de le rester.

Elles amènent à sortir d’un imaginaire considérant quelques individus marginaux, pour considérer au contraire un système social de hierarchies, ancré, qui banalise les violences faites aux enfants. Exactement comme les féminicides s’inscrivent dans un continuum de violences et une culture du viol, dans un cadre de domination masculine.

Je vous propose de pointer un concept peu connu :  l’infantisme.

La pédopsychiatre et sociologue Laelia Benoît le définit comme « un ensemble de discriminations et de préjugés  à l’encontre des mineur·es, en raison de leur statut d’enfant. »

Fondé sur la croyance que les enfants seraient inférieur·es et donc moins dignes de respect, il sous-tend que les enfants appartiennent aux adultes et qu’iels doivent être contrôlé·es.

Ces dominations sont, comme celles du patriarcat, socialement forgées par des attitudes, des pratiques, des politiques.

Ainsi, construire des programmes visant à empêcher les élèves de penser le monde, recourir à des violences éducatives ordinaires ( que 81% des parents reconnaissent selon la Fondation de France ) ou encore détruire les fondements de la justice des mineur.es, en renonçant à sa priorité éducative et de protection de l’enfant dans une surenchère répressive… (exemples non exhaustifs)

Tout ceci participe de ce continuum des violences.

L’infantisme qui sous-tend ces « affaires » doit nous amener à interroger notre rapport aux enfants.

Le programme EVARS, en visant à déconstruire une hiérarchie des normes et des rapports de domination, y participe.

Par ailleurs, il entrainera des libérations de parole des enfants, qui devront être entendu·es, cur.es et protégé·es. Cela nécessite une formation solide des enseignantes et enseignants, y compris pour savoir agir en conséquence.

Ce la nécessite également des moyens pour la protection de l’enfance, avec entre autres le recrutement de personnels de santé scolaire, en défendant la PJJ (entre le 25 mars) ou encore en rétablissant la CIIVISE.

Nous pourrions en ce sens interpeler la Ministre pour continuer à participer à la prise de conscience de ce système, à sa dénonciation, à redonner un plein statut d’être pensant aux enfants, à même de leur permettre de s’émanciper et de changer le monde.