Face aux constats d’une promotion sur X toujours plus grande des discours d’extrême droite et de la minorisation des comptes porteurs des luttes pour l’émancipation ou contre les discriminations, un mouvement de sortie du réseau social détenu par Elon Musk s’est relancé (aidé notamment par la plate-forme HelloQuitX).
Depuis son rachat de Tweeter en 2022, Elon Musk a en effet transformé le réseau social en instrument de pouvoir au service de ses idées et intérêts. La réhabilitation du compte de Trump ou de ceux de nombreux militant·es conspirationnistes d’extrême droite et la promotion de fake news (en particulier pour imposer une lecture raciste, masculiniste et climatosceptique des événements) se conjuguent avec la complaisance vis-a-vis des régimes les plus autoritaires. Mark Zuckerberg, patron de Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp…) lui a emboîté le pas, depuis l’élection de Trump.
Ces évolutions rendent palpable le fait qu’une partie du web a été accaparée pour défendre des intérêts bien particuliers, engageant une rupture avec ses fondamentaux. Les fondateurs du World Wide Web avaient énoncé au début des années 1990 les principes d’universalité (tout le monde doit pouvoir avoir accès à l’ensemble du web) et de décentralisation (aucune entité ne doit contrôler le web). Ils avaient ainsi rendu public le code source des premiers serveurs et outils de navigation, adhérant ainsi aux principes du libre (publication des codes-sources des programmes pour permettre une élaboration collective et un audit de ceux-ci, dans une logique de promotion des communs), et avaient établi l’exigence d’interopérabilité (les différentes applications du web doivent pouvoir communiquer entre elles).
Microsoft essaie dès 1995 de concurrencer le web avec le lancement d’un réseau concurrentiel, vite avorté. Au tournant des années 2000, ce sont les fournisseurs d’accès internet qui entendent restreindre l’accès à une partie du web pour leurs abonnés. Mais c’est avec l’avènement de Facebook que la privatisation du web trouve sa voie. Les GAFAM (Google Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) s’appuyant sur des briques de logiciels libres, voire respectant le principe d’opérabilité à leur début, ont systématiquement, quand leur nombre d’usagers·ères était jugé suffisant, isolé leur réseau par l’abandon de l’interopérabilité, la privatisation des solutions, la fermeture des codes-sources pour permettre la captation des données et l’action d’algorithmes sans contrôle citoyen. Ceci a conduit à une colossale concentration capitalistique du numérique et la constitution de public captif auprès de qui l’« information » diffusée peut être contrôlée.
Le combat pour des communs numériques, pour un numérique libre, est constitutif des luttes pour l’émancipation. La période actuelle, où est mise à nue la propension des grandes entreprises capitalistiques du numérique à s’affranchir du bien commun (y compris sur les questions climatiques) jusqu’à promouvoir une extrême-droite violemment raciste et masculiniste, doit être mise doit être mise à profit pour défendre des alternatives libres à la privatisation du web.
Adrien Martinez