En France, plus de la moitié des étudiant.es ont moins de 50€ de reste à vivre par mois. Près de 3 millions des moins de 21 ans sont touché∙es par la pauvreté. Près de 3000 enfants dorment dans la rue. Plus de 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. 377 000 enfants sont pris en charge par l’ASE… Et l’urgence du gouvernement est donc de faire face à un prétendu péril jeune !
“Prétendu” péril jeune, oui. Car malgré l’instrumentalisation faite d’événements de violence aux abords des établissements, certes dramatiques, ces derniers n’ont rien d’un phénomène de masse. Toutes les statistiques des tribunaux indiquent le contraire, avec une baisse notable des mineur∙es auteurs et autrices de délits (- 33% pour les plus graves).
Mais le gouvernement et la mise en avant médiatique de faits isolés réactivent cette représentation d’une violence fantasmée d’une jeunesse essentialisée. Comme autrefois les gamins ou les Apaches des faubourgs de Paris, comme jadis les blousons noirs ou plus récemment les « racailles » de banlieue, la délinquance juvénile viendrait menacer « les anciens et les bourgeois » ! Malheureusement le mépris de génération, le mépris territorial et le mépris de classe peuvent se conjuguer.
Et évidemment, l’école doit prendre sa part ! Voilà donc venu le temps de l’autoritarisme à l’école… ah non pardon iels ont appelé cela « chantier sur l’autorité ». Or, il ne s’agit ni d’un chantier, ni de travailler à la notion d’autorité !
Au-delà de l’aspect mascarade de concertation, les mesures proposées, soit existent déjà (comme la participation des élèves aux tâches communes), soit elles sont la caricature de l’instauration d’un rapport de domination-soumission (comme la levée en classe à l’arrivée du professeur ou la création d’un régime de punitions scolaires homogène). A quand le retour des bagnes d’enfants ?
Alors que les gouvernements mettent à mal la considération symbolique de l’école et de ses professeur∙es, la punition normée, la discipline autoritaire, la négation de l’enfant dans son individuation, la privation de loisirs ou l’exclusion deviennent le nouveau rempart contre les « perturbateurs » -comme dirait la ministre.
Et dans une école de l’évaluation permanente, de la mise en concurrence, de la stigmatisation et du tri social implicite, avec les sentiments de renoncement et d’injustice que cela entraînera, il va y en avoir besoin de mesures coercitives pour tenir bien sages ces enfants abîmés par l’institution ! Lorsque les élèves ne sont plus des acteurs et actrices de la construction des savoirs, rien ne vaut la défiance envers elleux et leur famille.
Il importe que nos décryptages fassent ainsi le lien entre ces deux réformes. Le choc des savoirs et ce « chantier » vont de pair. Deux dos tournés à l’éducabilité de toutes et tous.
Le boycott de la multilatérale de ce 15 mai par l’intersyndicale est également une autre réponse à médiatiser.
Enfin, l’organisation fédérale d’états généraux de la jeunesse, en intersyndicale et inter-association la plus large possible, est également une autre piste de résistance.
Pour terminer, une piste à décliner, évoquée par Véronique Blanchard et David Niget, historien et historienne : « Bien loin d’un « réarmement civique » martial, c’est en conférant aux jeunes liberté, égalité et, in fine, pouvoir d’agir que nous les rendrons maîtres de leur propre destin, artisans de la paix sociale dans un monde qu’ils estiment plus juste et solidaire. En somme, sevrons-nous de l’autoritarisme en pensant l’émancipation de la jeunesse. »