Le temps où les mobilisations des jeunes pour le climat imposaient l’agenda écologique en Une des journaux et dans les programmes politiques semble bien loin.
par Julien Rivoire
Les limites d’habitabilité de notre planète sont franchies une à une, et pourtant, les préoccupations écologiques ont nettement reculé dans les discours politiques et médiatiques. Les dernières élections européennes en ont été un révélateur, tout comme les législatives en France. Il y a seulement deux ans, Emmanuel Macron se voyait contraint de reprendre le thème de la planification écologique pour le second tour de la présidentielle. Le recul conservateur ne se manifeste pas uniquement par une moindre visibilité de l’urgence à concilier « fin du monde et fin du mois » : l’extrême droite exploite l’opposition entre écologie et social, tout en continuant à alimenter le racisme et la xénophobie. Les droites au pouvoir, que ce soit au niveau de l’Union européenne ou du gouvernement français « démissionnaire », surfent sur cette dynamique pour détricoter le Green Deal européen et, en France, sabrer le budget du ministère de l’Écologie ainsi que le Fonds vert.
Quelle stratégie pour peser ?
Ainsi, nos mouvements de transformation sociale et écologique doivent s’interroger sur les difficultés rencontrées et sur les options pour les surmonter. L’absence d’un calendrier de mobilisation pour les mois à venir est d’ailleurs symptomatique : du Réseau action climat aux Amis de la Terre en passant par Greenpeace, toutes les grandes organisations écologistes ont programmé des séminaires internes dans les prochaines semaines pour comprendre « où ça a merdé », selon les termes d’un responsable de ces mouvements. Pour la FSU, deux rendez-vous importants permettront de réfléchir collectivement à la stratégie à venir : les rencontres de l’alliance écologique et sociale (AES) des 15 et 16 novembre, et le premier stage intersyndical FSU, Ferc CGT, et Sud Éduc « Éducation et écologie » les 3 et 4 décembre prochains (voir encadré).
Ces rendez-vous « internes » seront indispensables pour ouvrir un nouveau cycle stratégique, mais nos mouvements devront aussi s’appuyer sur les mobilisations en cours dans les semaines à venir. Qu’il s’agisse de la lutte contre l’accaparement de l’eau (cf. article p. 26-27), de la résistance contre l’artificialisation des terres et les projets écocides comme l’autoroute A69, de l’exigence de l’interdiction des polluants éternels (PFAS) dans l’industrie ou de la campagne pour empêcher le démantèlement de l’opérateur public Fret SNCF, ces combats montrent un foisonnement toujours présent sur le terrain. Cependant, leur addition ne constitue pas une stratégie globale. Il nous faut travailler à ancrer au quotidien les revendications écologiques et sociales.
Une piste serait d’approfondir la question de l’adaptation aux dérèglements déjà en cours. Non pour céder à la fatalité et renoncer à réduire notre empreinte sur les écosystèmes, mais parce que cela permettrait de rendre concrètes nos propositions de rupture écologique et sociale. Cela est d’autant plus nécessaire que s’ouvre un nouveau champ de bataille entre les partisans du technosolutionnisme, qui prônent la poursuite d’un modèle productiviste, extractiviste et inégalitaire, et nos propositions de sobriété articulant une adaptation juste socialement et une atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi que de nos prélèvements de ressources minières.
Dimension internationale, tant écologique que sociale
Un autre enjeu crucial est l’intégration de la dimension internationale, consubstantielle aux luttes contre les dérèglements environnementaux. Si les mouvements Climat ont pris naissance lors des COP, les échecs répétés de ces conférences conduisent de nombreuses organisations à se replier sur un pré carré national ou local. Pourtant, il est inconcevable de penser toute rupture écologique et sociale uniquement à l’échelle régionale. L’exemple de l’électrification des transports, avec l’utilisation de minerais pour les batteries, est parlant : comment appréhender cette question sans tenir compte des populations affectées par les conséquences sanitaires et hydriques de l’extractivisme ? De même, comment ignorer les questions de la dette des pays du Sud global qui hypothèquent tout projet de bifurcation écologique et sociale ? Il est essentiel de tisser des solidarités entre les peuples face aux stratégies des multinationales qui exploitent le dumping social entre pays pour saper les acquis sociaux au Nord et intensifier l’exploitation au Sud.
Nos mouvements syndicaux et écologistes ont donc tout intérêt à approfondir leur collaboration, même par mauvais temps. Il en va de notre capacité collective à affronter les défis immédiats que sont la montée des extrêmes droites et l’intensification des catastrophes environnementales à travers le monde. Des questions qui devront irriguer le prochain congrès de la FSU.
Les 15 et 16 novembre : première rencontre nationale de l’Alliance écologique et sociale à Paris
Au programme, une journée le vendredi 15 novembre entre militant·es des organisations de l’AES pour apprendre à se connaître, réfléchir aux tensions et points d’appui pour un travail commun entre mouvements écologistes et syndicalisme, et des ateliers pour approfondir des sujets à porter ensemble dans les prochains mois :
► Rénovation thermique des écoles.
► Mégabassines et accaparement de l’eau.
► Lutte contre les polluants éternels.
► Comment agir en alliance sur un territoire avec l’exemple de l’A69.
► Les enjeux de la reconversion et de l’emploi, etc.
Le samedi 16 novembre sera une journée ouverte au public et permettra au cours de trois plénières de revenir sur la campagne de l’AES « On veut du Fret Ferroviaire » puis de prolonger nos réflexions communes sur les enjeux de mobilité, notamment en milieu rural, avec des invité·es extérieur·es (sous réserve de confirmation, des représentant·es de la CGT Métallurgie, le Réseau action climat).
Enfin, cette journée sera l’occasion de croiser les analyses de nos différentes organisations sur le contexte social et politique avec une table ronde réunissant nos porte-parole.
Mardi 3 et mercredi 4 décembre : premières intersyndicales « écologie et éducation »
avec la Ferc CGT, Sud Educ et la FSU
Au programme, des plénières permettant de s’approprier les dernières connaissances scientifiques sur l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique. Une demi-journée sera consacrée aux enjeux de programmes de l’école à l’université, tandis qu’une seconde demi-journée permettra d’aborder les conditions de travail et la nécessité de construire de nouvelles revendications pour une adaptation sobre (rénovation des bâtiments, nouveaux droits pour les agent·es, amélioration de la qualité de l’air).
Pour ces deux stages, pensez à vous inscrire sur le site du centre de formation de la FSU sur lequel vous trouverez le programme complet.