* Isabelle Lacroix, coprésidente de la FCPE 93 répond aux questions de l’École émancipée.
✔Après cinq audiences et aucune annonce chiffrée, en tant que fédération de parents d’élèves, comment jugez-vous l’attitude de la ministre vis-à-vis du 93 ?
Face à plusieurs mois de mobilisation, l’attitude du gouvernement est ressentie par les parents d’élèves du 93 comme du mépris social. C’est une atteinte à la scolarité de nos enfants. Dans ce département, les absences non remplacées représentent 18 mois d’école perdus sur une scolarité, mais les représentant·es du gouvernement nous disent que le 93 est déjà suffisamment doté !
Et la seule chose qu’ils nous ont annoncée, c’est un recrutement de 130 candidat·es par le biais de France Travail pour renforcer la brigade de remplacement dans le premier degré.
C’est très mal pris et ça fait monter la colère.
✔Vingt-six ans après les mobilisations de 1998 qui avaient permis d’obtenir un plan d’urgence pour le département, comment la situation de l’école a-t-elle évolué ?
En 1998, il y a eu un mouvement d’ampleur comme celui d’aujourd’hui, et on a obtenu 3 000 postes. Depuis, la situation s’est dégradée. Le gouvernement a beau mettre en avant son plan « Un État fort en Seine-Saint-Denis », le rapport parlementaire de Christine Decodts et Stéphane Peu de novembre 2023 montre que le manque de moyens est une réalité.
✔L’intersyndicale FSU, CGT, SUD, CNT revendique la création de près de 8 000 postes et des établissements scolaires salubres et à taille humaine. Soutenez-vous ces revendications ?
Depuis longtemps, la FCPE 93 fait un état des lieux de ce qu’il nous manque comme personnel dans l’éducation. Mais ce chiffrage syndical a été un élément important pour lancer la mobilisation. Nous nous sommes dit : « là, ce n’est plus possible ».
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour les parents d’élèves de Seine-Saint-Denis, c’est l’annonce en pleines vacances scolaires de la coupe budgétaire de 360 millions d’euros dans un département où des sommes importantes sont dépensées pour les JO.
✔ Comment analysez-vous le Choc des savoirs mis en œuvre par le gouvernement ?
On le vit vraiment comme un tri social de nos enfants dès le CM2. Il y a des effets de stigmatisation que nos enfants vont subir et qui vont aussi atteindre leur confiance en eux et par là, leur scolarité. Les filles sont d’ailleurs plus sensibles que les garçons à ces enjeux de confiance en soi.
Des travaux de recherche montrent l’inefficacité des groupes de niveau.
Nous sommes également très inquiets·es pour les élèves porteur·ses de handicap.
Le brevet comme condition d’accès au lycée, l’expérimentation de classes « spéciales » pour celles et ceux qui ne l’auraient pas dès la rentrée prochaine, ça ne passe pas du tout.
Cette réforme est complètement discriminatoire. Dans le 93, des dédoublements, des projets pédagogiques, des options seront supprimés dans plus de collèges qu’ailleurs à cause du manque de moyens.
La politique gouvernementale attaque tout ce à quoi l’on aspire pour l’école et pour nos enfants. C’est un renoncement à démocratiser la réussite scolaire.
✔Fédération de parents d’élèves dans un département très populaire, comment recevez-vous le discours de G. Attal sur l’« autorité » ?
Pour la FCPE 93, le discours de G. Attal est stigmatisant, il s’en prend à la coéducation et porte le discrédit sur les parents des milieux populaires. Ainsi, il met l’accent sur les parents « défaillants ». Dans notre département, on connaît les difficultés en particulier pour les mères de familles monoparentales. Au lieu de leur venir en aide, le discours les pointe d’un doigt accusateur.
Ce que l’on demande, ce n’est pas des établissements ouverts de 8 à 18 heures ou des uniformes. Ce que l’on veut, c’est une baisse des effectifs dans les classes et un tissu socio-éducatif pour accueillir les jeunes et qui leur permettra d’avoir des activités extrascolaires.
Propos recueillis par Jean-Philippe Gadier