C’est tout le modèle qui est à revoir – Entretien avec le DAL

Droit au logement (DAL) est une association créée en 1990, d’abord à Paris, et implantée en régions depuis avec plus d’une trentaine de comités locaux. Elle se mobilise au quotidien pour imposer que toutes et tous aient droit au logement. Marie Huiban est membre du secrétariat de la Fédération DAL.

Quel est l’état du mal-logement en France ? L’accès au logement, la précarité des hébergements sont-ils socialement marqués ?

Même si de plus en plus de gens ont aujourd’hui des problèmes de logement, cette situation est socialement marquée : travailleur.ses précaires, chomeur.ses, retraité.es modestes, immigré.es, jeunes, femmes, LGBTQI+, personnes en situation de handicap sont les premières victimes : en Île-de-France, 66 % des familles en procédure d’expulsion selon la préfecture sont des femmes seules avec ou sans enfants.

Les politiques menées depuis 30 ans, la hausse des prix et de la précarité ont fait exploser la crise du logement cher. Les prix des loyers s’envolent, les expulsions et procédures d’expulsion se multiplient. L’État a cessé de financer le logement social et a fragilisé les bailleurs sociaux. La criminalisation de la pauvreté touche aussi le logement, avec la loi Kasbarian-Bergé.

Il y a 15 ans, il était très rare que des enfants soient laissé.es à la rue, des hébergements étaient proposés aux familles. Aujourd’hui, selon l’Unicef, 3 000 enfants dorment dans la rue chaque nuit en France.

Et dans le même temps, les profits liés à la rente locative et à l’immobilier en général atteignent des records.

L’an dernier, après le Conseil national de la refondation (CNR) logement, le gouvernement a publié le plan Logement d’abord 2. Et après ? Quelles décisions, quels actes ?

Les politiques mises en place par le gouvernement vont dans le même sens : servir les intérêts des promoteurs, spéculateur·trices et autres professionnel·les de l’immobilier. Les mesures préconisées par le CNR logement (coprésidé par la PDG de Nexity) également : relancer la construction privée et favoriser l’accession à la propriété. Face au risque de baisse des profits des professionnel.les de l’immobilier, les invendus des promoteurs sont rachetés par les fonds publics.

Les mesures prises, y compris par le plan Logement d’abord 2, ne s’attaquent pas aux origines du problème : on continue de démolir des HLM, il n’y a plus de financement du logement social, aucune mesure pour faire baisser les loyers… Rien n’est mis en place non plus pour permettre le relogement des 93 100 familles Dalo (Droit au logement opposable), pourtant identifiées comme les plus prioritaires et qu’État et collectivités ont l’obligation de reloger.

Pire, dans un même temps, des mesures extrêmement dange-reuses ont été prises. La loi Kasbarian-Bergé menace de prison les sans-abri qui trouvent refuge dans un local abandonné et accélère les procédures d’expulsion, faisant risquer une amende aux gens qui ne vont pas à la rue eux-mêmes. Les normes de décence des logements ont été abaissées, permettant la location de logement d’1,80 m sous plafond par exemple. Au nom de la « mixité sociale », la circulaire Borne interdit le relogement des familles modestes et prioritaires Dalo dans les quartiers politiques de la ville (QPV), pourtant les seuls dans lesquels des loyers sont accessibles. La loi SRU, créée pour garantir la présence de logements sociaux dans l’ensemble des villes, est attaquée.

Quelles actions le DAL met-il en place au niveau local pour changer la donne ?

L’objectif du DAL est double, à la fois obtenir des relogements et des droits pour les familles et personnes et dans un même temps faire avancer le droit au logement en général. Pour cela, des actions, manifestations, campement, occupations d’espaces publics sont organisées. Le DAL est indépendant de tout pouvoir public, politique ou autre.

Depuis sa création, de nouveaux droits ont été conquis, comme la loi Dalo ou la dépénalisation des expulsions illégales et de nombreuses lois contre les mal-logé·es ont été évitées.

Par la lutte collective des dizaines de milliers de familles ont été relogées, des expulsions annulées… Le DAL cherche à mettre en place des actions de solidarité entre mal-logé.es, entre voisin.es.

Plus généralement, quelles actions doit-on envisager pour permettre l’accès de tou·tes à un logement décent ? Quels sont aujourd’hui les leviers ?

La réquisition des logements (3,1 millions) et bureaux vacants (5 millions de m2), le relogement des mal-logé.es et prioritaires Dalo, la baisse des loyers et des charges, l’arrêt de la vente et démolitions des HLM et le retrait des lois Kasbarian-Bergé et du décret marchand de sommeil. Plus généralement, c’est tout le modèle qui est à revoir, l’État doit refinancer la création de logements sociaux et taxer les profits tirés de la spéculation.

Il est indispensable de se mobiliser globalement contre le logement cher comme cela a été fait dans plusieurs pays. Les actions de soutien concret aux familles pour le relogement sont aussi nécessaires et les établissements scolaires sont un lieu important pour créer cette solidarité.

Propos recueillis par Véronique Ponvert et Magalie Trarieux