Dans les vingt dernières années, les différentes crises et les changements de mode de vie ont fait exploser les prix du logement, tant à l’achat qu’à la location. En revanche, les salaires n’ont pas suivi cette évolution, augmentant considérablement le poids du logement dans le budget des ménages.
Les chiffres sont éloquents. Le coût du mètre carré habitable a été multiplié en moyenne par 2,4 à l’achat entre 2000 et 2020 et par 2,6 à la location entre 1984 et 2020 tandis que sur les 25 dernières années, le revenu disponible moyen des Français·es n’a été multiplié que par 1,12… Le poids du logement dans le budget des ménages s’est donc aggravé considérablement. Le taux d’effort, c’est-à-dire la proportion du revenu brut consacré au logement, est passé en moyenne de 9,5 % en 1965 à 23 % en 2020 selon Oxfam. Des moyennes qui cachent par ailleurs d’importantes disparités. Les prix sont en effet très inégaux, élevés dans les zones géographiques très tendues et à la baisse dans d’autres, principalement les régions du centre, du nord et du nord-est du pays dans lesquelles se situent une bonne partie des 3,1 millions de logements inoccupés, dont beaucoup sont vétustes. Si le prix de l’ancien à l’achat est dix fois moins élevé à Saint-Étienne qu’à Paris, les prix explosent depuis une dizaine d’années sur la façade atlantique, le Sud, la région Rhône-Alpes ainsi que dans certaines grandes métropoles, comme Paris mais aussi Bordeaux, Lyon, Nantes, Montpellier, Rennes, Toulouse…
Les taux d’effort sont également très différents selon les catégories sociales et le type de logement habité. Selon les derniers chiffres de l’Insee, les ménages consacraient en moyenne 19,7 % de leurs revenus à leur logement, mais ce taux d’effort grimpait à 28,6 % pour les locataires du secteur privé et 24,1 % pour ceux du parc social. Et selon le rapport d’Oxfam de 2023, le taux d’effort moyen du quartile le plus pauvre est de 32 % contre 14,1 % pour le quartile le plus riche…
Les raisons de cette explosion des prix sont multiples
Les taux d’intérêt faibles des années 2000 ont stimulé l’achat de logements et tiré les prix de l’immobilier à la hausse partout. D’autre part, après la crise de 2008 comme après celle du Covid, l’immobilier est apparu comme une valeur refuge pour de nombreux investisseurs « institutionnels », dont les fonds de pension, entraînant une « bulle spéculative ». La forte augmentation depuis fin 2021 des taux d’intérêt a provoqué un ralentissement du marché de l’ancien et de la construction de nouveaux logements, avec une diminution de 40 % du volume de crédits immobiliers alloués par les banques, raréfiant l’offre à la location par effet cascade d’un moindre accès à la propriété. La bulle spéculative risque donc d’éclater, sans effet perceptible sur les prix pour le moment.
De surcroît, dans les grandes métropoles, les hauts salaires des cadres tirent encore plus les prix vers le haut, à l’achat comme à la location. Une forte demande de logements étudiants fait également monter le prix des petites surfaces mais aussi des grands appartements loués de plus en plus en colocation meublée et ainsi bien plus chers que d’un seul tenant. Enfin, dans les zones d’attractivité touristique, l’essor des locations meublées saisonnières de courte durée, comme AirBnB, est également un facteur puissant d’augmentation du coût du logement, au détriment du logement à l’année. Cela est encouragé à la fois par la hausse des prix immobiliers réduisant mécaniquement la rentabilité de l’investissement locatif « classique » et également par une fiscalité avantageuse.
Si les mesures d’encadrement des loyers ont un peu limité l’envolée des prix, leur effet reste toutefois limité. Elles ne sont pas généralisées dans toutes les zones tendues, leur contournement n’est pas très difficile et leur application suppose une capacité des locataires à les faire appliquer, vu le peu de contrôles mis en place par la puissance publique.
Claire Bornais