Faisons le point sur la perspective d’un nouvel outil syndical unifié : enjeux, travail en cours avec la CGT, place de Solidaires,nécessaire implication de toutes les strates de la FSU… avec en ligne de mire notre congrès de 2025.
La FSU et la CGT se sont rencontrées à quatre reprises entre novembre 2023 et avril 2024 pour discuter d’un travail à engager, sans délimiter précisément quels devaient être les points de chute (voir l’article dans la revue 105). Il s’agissait surtout d’apprendre à mieux se connaître et nous avons éclairci ce que nous portions en commun : un syndicalisme de lutte et de transformation sociale à vocation majoritaire (dit dans un autre langage : un syndicat de masse et de classe) ; un attachement à la double besogne du syndicalisme ; une urgence face à l’extrême droite.
La FSU porte un mandat de construction d’un nouvel outil syndical avec la CGT et Solidaires, sans exclusive. Le congrès de mars 2023 de la CGT a montré de forts débats internes sur les questions d’unité syndicale mais a réaffirmé que « l’unification du syndicalisme est une dimension identitaire de la CGT qui, dans l’article 5 des statuts confédéraux, indique que la CGT promeut un syndicalisme unifié et se prononce pour l’édification d’une seule organisation de salariés. C’est donc bien une unification que nous visons, respectueuse du fédéralisme, des principes et objectifs visés dans les statuts de la CGT. Elle nécessite un travail commun et démocratique avec les organisations syndicales qui souhaitent en finir avec l’éparpillement syndical. »
Mais les débats ont montré une forte opposition à la présence de Solidaires dans un tel travail, liée à une réelle concurrence et des frictions importantes dans certains secteurs, comme le rail ou La Poste. Pour mettre en œuvre ce mandat, la direction de la CGT s’est donc adressée uniquement à la FSU, sa culture syndicale étant jugée plus proche et les champs de conflits moins nombreux qu’avec Solidaires.
Quel nouvel outil ?
Il y a des débats à approfondir. Pour la FSU, ce travail s’engage avec la CGT car c’est, en l’état, la seule à montrer cette volonté de rapprochement, mais il doit s’ouvrir rapidement à Solidaires. Même si leur tout récent congrès ne reprend pas vraiment cette perspective, il leur permet néanmoins de poser un cadre interne de débat sur ce sujet : « l’union syndicale Solidaires ouvre en son sein, à tous les niveaux, un débat sur l’évolution du syndicalisme et de quel outil serait capable de répondre mieux qu’actuellement aux aspirations des travailleurs et des travailleuses ».
Ce point doit irriguer la réflexion dans les différentes organisations et il a le mérite d’être assez ouvertement discuté, sans faux-semblants. Par ailleurs, si une véritable dynamique s’installe pour aller vers la construction d’une structure (non identifiée précisément à ce jour, mais commune et ouverte), elle permettra de trancher ce débat, quelles que soient les positions initiales des un·es et des autres.
En revanche, nous avons déjà avancé sur ce que ne peut pas être le point de chute. Tout le monde est conscient, dans la FSU comme dans la CGT − même si cela pouvait être une forme de tentation implicite non avouée au départ —, qu’il n’est pas question pour la FSU (avec son exigence démocratique, sa majorité qualifiée, son droit de tendance…) de rentrer dans la CGT et d’en adopter ses règles. De la même façon, il ne peut être envisageable, dans la FSU ou dans la CGT, de sacrifier des syndicats nationaux, des équipes militantes pour une fusion dans des champs professionnels où la situation de concurrence est importante, avec de réelles difficultés à travailler en commun, comme dans certains secteurs de la territoriale par exemple.
C’est pour cela que la première urgence est de continuer à mieux se connaître, construire par exemple des débats dans les équipes locales, mettre en place des formations communes.
Dans les étapes à venir, nous allons pouvoir discuter aussi des sujets qui sont l’urgence sociale et politique du moment, et voir comment nous pouvons y répondre et agir ensemble.
Ainsi, sur l’urgence écologique et la nécessité de rupture écologique (avec une transformation et une relocalisation des emplois) : quel avenir et quelle reconversion pour les salarié·es dans les entreprises aux productions non essentielles et polluantes ? Comment travailler la bifurcation pour répondre aux besoins sociaux et à la question de l’emploi ?
La CGT comme la FSU avec Solidaires, sont dans les cadres unitaires les plus larges pour défendre les libertés, pour lutter contre les idées d’extrême droite. Mais comment convaincre que l’extrême droite est l’ennemie des salarié·es, en particulier dans des déserts syndicaux ?
Ce processus engagé se construit avec des discussions dans les équipes militantes de la CGT comme de la FSU. C’est absolument nécessaire pour lever les inquiétudes et continuer à avancer ensemble avec tout le monde.
Discuter localement
L’exemple de ce qui s’est passé à Toulouse (cf. article page 8) a été vécu par la CGT, comme par la FSU, de façon très positive. De nouvelles rencontres doivent avoir lieu (Bretagne, Aura…). Elles doivent permettre de mieux se connaître, de vérifier que le travail en commun est possible sur de nombreux sujets, qu’il nous fait avancer nous-mêmes, et ainsi de vérifier cette idée que plus nous mettons en commun, plus le syndicalisme est fort. Mais aussi d’imaginer le syndicalisme de transformation sociale idéal pour traiter la question des déserts syndicaux comme celle des mutations du travail, des discriminations, du féminisme, des enjeux environnementaux… Un syndicalisme entendant organiser de façon massive les travailleur·ses avec des pratiques et un fonctionnement démocratique revus.
À chaque étape, des bilans et des débats larges dans la FSU et ses syndicats, permettant de toucher les syndiqué·es, doivent être faits. L’objectif est que cela irrigue tous les militant·es syndicaux, « obligeant » ainsi les structures syndicales à se projeter vers leur dépassement.
Pour cela, il va être nécessaire de débattre à tous les niveaux et dans toutes les composantes de la FSU, sur la manière de mettre en œuvre notre mandat fédéral de nouvel outil syndical, alors même que la concrétisation immédiate ne correspond pas, à ce moment, totalement à ce que porte la fédération. Ce sera évidemment un des enjeux du congrès fédéral à venir. Ce processus doit être pensé en prenant en compte les réalités différentes de nos champs de syndicalisation, en particulier dans les secteurs où les équipes syndicales sont parfois en tension.
Pour autant la FSU, sans doute encore plus fortement avec la montée de l’extrême droite, doit pouvoir se positionner comme un élément d’entraînement dans un attelage syndical porteur d’espoir à la fois en termes d’unité syndicale structurelle mais aussi de renouvellement des pratiques syndicales résolument démocratiques, féministes, écologistes et ouvertes sur les nouvelles formes de lutte.
Par Les élu·es éé au secrétariat National de la FSU