Mon intervention porte sur l’éducation : sur l’éducation, c’est-à-dire sur un sujet de société, qui concerne tout le monde, qui devrait concerner tout le monde, parce que l’enjeu est colossal : c’est l’avenir de notre jeunesse. Et parce qu’il y a danger ! Avec Blanquer, rien de comparable avec ce qui s’est fait sous d’autres ministres…
Blanquer s’en prend à l’ensemble du système scolaire, dès la maternelle, et tente d’imposer sa conception de l’école : il procède par fragmentation des attaques, multiplie les annonces, occupe le terrain médiatique et tente de brouiller un message qui pourtant, est très construit et très cohérent : il suit un objectif bien précis, celui de remodeler en profondeur notre système éducatif, mettre sur pied une école sélective qui laisse sur le bord du chemin les jeunes des classes populaires, et mettre au pas des enseignants de plus en plus dépossédés de leur liberté pédagogique, et de leur pouvoir d’agir.
Nous avons à faire face à plusieurs difficultés sur ce dossier : la première, c’est la rapidité d’exécution : Blanquer mitraille des mesures qu’il met en œuvre aussitôt : il faut donc que l’on soit très réactif. La seconde, c’est l’apparent bon sens de certaines mesures, ce qui explique que l’opinion publique se laisse berner par le prétendu bien fondé des réformes. C’est donc une tâche très complexe pour nous de déconstruire son discours et de faire la lumière sur toutes ces fausses bonnes idées. Et puis il faut aussi mettre en lien toutes les mesures, en démontrer tout ce qui fait système : ce que Blanquer veut, c’est affaiblir le SP d’éducation : il détruit le cadre national et éloigne toute notion d’égalité. Ce qu’il construit, c’est une école qui tourne le dos à la démocratisation… Ce qui se profile :
La maternelle ? Risque d’en faire des jardins d’enfants.
Le collège ? Une antichambre de la sélection, avec le retour des DIMA de l’apprentissage précoce.
L’enseignement professionnel public ? Menacé car en concurrence avec l’apprentissage.
Le lycée général ? Une gare de triage et une usine à gaz vers un bac qui n’aura plus la valeur d’un diplôme national.
Le lycée techno est lui aussi sur la sellette. Quant à la fac, c’est la sélection généralisée et l’empêchement, pour tout un pan de la jeunesse, de poursuivre des études.
Ce qui se dessine là est très grave : et les personnels ne sont pas épargnés, loin de là, ils sont soumis aux injonctions et aux pressions de toute sorte et perdent le sens de leur métier et de leur mission. Et il y a pire, car parmi les annonces de Blanquer, il y aussi celle de permettre le recrutement local des enseignants par les CE… et on peut penser que ça ne s’arrêtera pas là.
Alors il faut mener sans attendre une guerre à ce projet d’école libérale : il faut agir sur plusieurs fronts : mener campagne auprès des collègues et des parents d’élèves pour déconstruire le discours de Blanquer et porter notre projet d’école. Et aussi construire un rapport de forces et une opposition résolue pour mettre en échec ses mesures.
Les deux vont de paire.
Le calendrier est très resserré (la commission Mathiot rend son rapport demain sur bac/lycée, parcoursup se met déjà en place à la fac), l’annonce de la semaine d’action début février est donc une très bonne chose. La démarche la plus unitaire possible s’impose également compte tenu de l’importance des attaques et de la cohérence des mesures apparemment morcelées : en cela, le fait que l’interfédérale existe est une très bonne chose également.
Nous devons donc nous emparer de ces échéances, nous en saisir pour médiatiser les questions éduc, mobiliser nos collègues, pour faire campagne et faire entendre la voix de l’opposition à de tels projets. Mais, au-delà, il nous faudra poursuivre, mener un travail de conviction de longue haleine, et construire le rapport de forces pas à pas.
Soyons également attentifs à toujours faire du commun, à ne pas fragmenter nous aussi nos réponses aux attaques, à ne pas opposer telle ou telle mobilisation : les rythmes, les modalités sont peut-être différentes d’un secteur à l’autre, mais il faut jouer la carte de l’unité. La finalité de Blanquer est la même pour tous, donc toutes nos réponses (nos grèves, nos manifestations, nos actions) sont complémentaires, à nous de les articuler pour faire échec à ce projet d’école libérale et inégalitaire.