Je vais aborder la question du Protocole d’accord sur les rémunérations proposé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : cette question est complexe pour la fédération, elle pose des questions de stratégie syndicale mais aussi des questions de fonctionnement à l’interne. Nous sommes donc doublement interpellés par cette question piégeuse.
Oui, ce protocole est un piège, le texte de caractérisation de la FSU en fait d’ailleurs une critique juste. Pour rappel rapide :
• la revalorisation s’étend sur plusieurs années, elle ne constitue pas un rattrapage et est de toute façon insuffisante dans sa globalité
• elle est conditionnée à un recours accru à l’emploi précaire
• elle est individualisée et consiste pour l’essentiel en mesures indemnitaires
• elle ne concerne pas tous les personnel et consacre les politiques RH de « mérite »
Pourtant, il reste des angles morts dans cette analyse, et non des moindres : ce que le texte ne dit pas, c’est qu’il y a piège aussi dans le fait de proposer à la FSU de signer un protocole qui s’inscrit dans la mise en œuvre de la LPPR, loi qu’elle combat depuis des mois, et par ailleurs, que les mesures du Protocole sont en contradiction avec les mandats de la FSU sur l’emploi contractuel et sur la rémunération au mérite.
En tant que syndicalistes, nous cherchons toujours à obtenir des gains pour les personnels : la revalorisation salariale est une nécessité dans la FP qui subit un gel des salaires depuis plus d’une décénie. En concédant une revalorisation qui n’est que très partielle, le gouvernement entend-il obtenir l’accord de la FSU pour avancer dans sa logique managériale ?
Ce type de débats sur la stratégie syndicale, nous en avons déjà eu, et nous en aurons encore : même chose avec Blanquer et son prétendu Grenelle. Nous savons déjà que sa conception de la revalorisation n’est pas sans arrières pensées, qu’il la conditionnera à ce que nous combattons : dénaturation des missions, alourdissement de la charge de travail, reconnaissance d’un prétendu mérite… Une véritable revalorisation est indispensable, c’est pour cela qu’il faut mener cette bataille sur le terrain des mobilisations avant toute chose, pour créer un rapport de forces à même de peser sur les termes de la négociation.
Revenons aux débats : dans la fédération, nous sommes capables d’analyser les termes d’un accord, et nous avons des règles qui nous permettent de trancher en cas de divergences, les votes en CDFN ou en BDFN sont là pour ça.
Mais pour le cas de ce protocole, les choses sont un peu différentes : alors que le protocole concerne 3 SN de la fédération, la signature engage la fédération tout entière. La question se pose donc à toute la FSU, à toutes ses composantes. Alors, comment fait-on ?
Si les 3 SN concernés, dans le respect de leur fonctionnement démocratique, ont une position convergente, le problème ne se pose pas de la même manière. Mais si ce n’est pas le cas ? Comment faire fonctionner la démocratie interne à notre fédération et permettre que la décision finale soit assumée par tous et toutes, malgré une divergence d’appréciation (c’est l’objectif de toute synthèse, me semble-t-il) ?
Ce n’est pas une mince affaire : j’insiste encore sur le piège qui nous est tendu… Cette question d’accord avec les SN du Sup est lourd de conséquences, au-delà du Sup.
C’est un peu comme si on abordait une question sociétale d’envergure en se disant que les arbitrages relèvent de la responsabilité d’un ou deux SN de la fédération dont c’est le champ de syndicalisation ! Non seulement toute la fédé serait engagée par sa signature, mais politiquement aussi, nous sommes toutes et tous engagées sur les questions de société. Comment ne pas voir le piège ici, comment garantir un bon fonctionnement de la démocratie syndicale dans ce cas de figure ?
Nous alertons donc le CDFN sur l’importance de cette question : il faut que l’on se donne les moyens de mener le débat entre nous, et de prendre les décisions dans un cadre démocratique qui permet la représentation de toutes les composantes de la fédération ; le texte fédéral de caractérisation du protocole doit donc s’achever sur la nécessité de réunir un CFDN pour prendre une décision.