Pour Claire Leconte, une réforme des temps de l’enfant doit concilier les besoins de l’enfant et les conditions de travail des enseignants.
Elle propose donc d’organiser la semaine sur cinq jours, avec cinq matinées scolaires de 4 h, deux après-midi scolaires de 2 h et deux autres de parcours éducatifs non scolaires.
Cela permettrait, selon elle, à la fois une constante disponibilité cognitive des élèves de tous âges tout en décuplant leur plaisir pour l’école, des temps de travail personnel pour les enseignants permettant un travail collectif entre eux
également avec les intervenants ainsi qu’une facilitation des transferts d’apprentissage.
**◗ École Émancipée : De longues matinées de 4 heures de classes peuvent-elles être bénéfiques aux élèves ?
Claire Leconte : Construites autour de deux pauses, après une entrée en classe directe permettant calme et disponibilité immédiate, elles permettent une meilleure gestion des séquences pédagogiques.
En élémentaire, l’introduction chaque matin de musique, EPS, arts visuels, langue vivante, découverte du monde… permet de faire une triple alternance pédagogique entre activités abstraites, motricité et créativité.
Tout cela participe à maintenir la disponibilité des élèves, sans fatigue, et développe leur motivation grâce aux transferts disciplinaires rendus ainsi possibles.
En maternelle, cela permet aux enfants de prendre le temps pour réaliser leur activité et d’aller au bout de ce qu’ils ont commencé avec moins de frustration et moins de stress car moins de « dépêche-toi de… ».
**◗ École Émancipée : En quoi votre proposition de 5 matinées et 2 après-midi d’enseignement scolaire constitue-t-elle un cadre régulier pour les enfants ?
CL : Pourquoi toujours penser que l’unique temps à considérer est le temps scolaire ? Une 9e demi-journée permet-elle un cadre régulier ?
La plupart des enfants arrivent tôt le matin et partent de façon échelonnée en fin de journée. 5 matinées régulières sont importantes, y compris non successives, mais il est plus sécurisant pour l’enfant de savoir que chaque après-midi sera encadré par la même personne, soit son enseignant-e, soit l’animateur-trice.
Ce qui est déstabilisant c’est d’avoir des temps émiettés se succédant sans cohérence et avec en permanence des transitions, des ruptures, des changements de référents.
De plus être accompagné constamment par des adultes satisfaits de leur qualité de vie professionnelle est certainement ce qu’on peut offrir de plus “sécure” à l’enfant, ce qui est le cas dans une telle configuration temporelle prenant en compte l’ensemble des temps. Cela rassure enfin les parents qui ont à faire en permanence à des professionnels qualifiés.
**◗ École Émancipée : Comment articuler les contenus et activités du temps scolaire avec des temps non-scolaire réunissant la quasi-totalité des enfants ?
CL : L’articulation est favorisée quand elle se réalise au moment de la construction du projet éducatif. Valoriser les temps non scolaires pour ce qu’ils sont du point de vue éducatif permet d’envisager un projet à partir d’une coproduction éducative impliquant les enseignants et leur projet d’école et les animateurs et leur projet éducatif.
Une après-midi consacrée à un parcours éducatif ayant des objectifs connus des enfants les incite à y participer et à s’y investir pleinement.
Les enseignant-es peuvent alors réinvestir les compétences acquises durant ces temps, tandis que les animateurs et les animatrices peuvent sensibiliser les enfants au fait qu’ils mettent en pratique des connaissances acquises de façon abstraite en classe.
C’est bien là que le travail partenarial mis en œuvre lors de la construction du projet prend tout son sens. ●
Propos recueillis par Arnaud Malaisé