Jonathan Rabb est tombé amoureux d’une grande figure révolutionnaire, Rosa Luxembourg. Il utilise, pour dresser son portrait, ses lettres. Notamment celles qu’elle a envoyées ou non à Leo Jogishes, resté longtemps très proche d’elle. Ce révolutionnaire devient l’un des personnages de ce roman sombre et lumineux. C’est lui le deus ex machina qui conduit les pas du commissaire Hoffner, un peu trop juif pour les dirigeants de cette police infiltrée par les fascistes – les « corps francs » à ce moment-là – complotant contre le gouvernement des sociaux-démocrates. Le titre lui-même est tout son programme : Rosa.
Fin janvier 1919, la révolution « spartakiste » a presque été écrasée. Il reste quelques poches de résistance, mais tout le monde sait que c’est fini. Les barouds d’honneur ne sont que des expressions de désespoir. Karl Liebknecht, dont le corps a été retrouvé, et Rosa Luxembourg, considérée comme disparue, ont été assassinés. La révolution a perdu ses têtes. Jogishes s’active pour que le combat continue. Pour le romancier, il est aussi celui qui veut faire éclater la vérité sur la mort de Rosa et éviter que son cadavre ne serve à d’autres desseins, plus noirs les uns que les autres. Toute une partie de ce roman est construite sur l’explication de cette énigme : pourquoi le corps de Rosa a-t-il été retrouvé tardivement et défiguré ? Rabb offre sa version. Intéressante. Comme celle de la mort de Jogishes.
Rosa reste plus vivante que jamais, comme grandie de cette quête. La théoricienne n’est pas oubliée, celle de L’accumulation du capital et de l’explication de la bureaucratisation des partis sociaux-démocrates, plus juste que celle de Lénine. Le commissaire en tombe amoureux et fait un retour sur lui-même s’essayant à une sorte de psychanalyse pour se comprendre. Tout en enquêtant sur un meurtrier en série.
L’habileté de l’auteur est de lier ces deux enquêtes tout en décrivant le climat politique et social de ce Berlin marqué par la guerre et la révolution. La vie continue, simple et tranquille apparemment.
Un polar qui rend justice à Rosa Luxembourg pour la (re)découvrir.
Nicolas Bénies
Jonathan Rabb, Rosa, 10/18.