Au soir du 6 mai, nous fûmes nombreux à éprouver le soulagement de qui est resté longtemps les doigts coincés dans la porte…et qui sent cette porte s’ouvrir subitement. Soulagement, c’est le mot. Reste qu’on a encore les doigts à moitié écrasés et une douleur qui peine à partir. Car, des années de sarkozysme laissent des traces profondes, dont le succès politique du FN n’est pas des moindres. Le changement de style présidentiel à lui seul ne suffira pas à en effacer les séquelles. En la matière, tout reste à faire.
« J’ai conscience que les électeurs doivent avoir la pleine souveraineté, mais je dois les prévenir que si l’impression est donnée que les Grecs veulent abandonner toute perspective de redressement, alors il y aura des pays qui préféreront en terminer avec la présence de la Grèce dans la zone euro. (…) J’ai fait en sorte que la croissance soit maintenant le thème sur lequel nous devons prendre de nouveaux engagements, (mais) la situation financière est devenue telle que nous devons aussi avoir des garanties pour que les banques puissent être préservées et financées. Ce que je demande (aux Grecs) c’est d’avoir confiance, (…) et s’ils veulent rester dans la zone euro, de savoir que l’Europe leur viendra en soutien et qu’en même temps des efforts sont à faire. » C’est en ces termes que François Hollande s’est adressé le 13 juin au peuple grec qui s’apprêtait à voter pour la seconde fois(1). Voilà, en quelques mots, résumée la portée du « changement ». Car ce qui vaut pour les Grecs vaut pour les Français : faire des « efforts » pour opérer le « redressement » nécessaire… celui des banques bien entendu. A la veille du sommet social, le gouvernement, qui révise déjà les chiffres de croissance à la baisse et attend un audit alarmant de la Cour des comptes, parle d’efforts pour ne pas dire « rigueur ».
Que de morgue chez les dirigeants européens expliquant aux Grecs qu’il faut bien voter, faire confiance à leurs affameurs pour remettre en route une hypothétique croissance économique dont nul ne voit comment elle serait possible avec de telles politiques d’austérité. L’édition allemande du Financial Times y est même allé d’un édito en grec pour mettre les électeurs en garde contre Syriza, la coalition de la gauche radicale, au coude à coude avec la droite à ce moment. Mais le peuple grec qui s’enfonce toujours plus dans la misère, a compris ce que « effort » veut dire, et à qui cela profite. Le résultat de Syriza aux élections législatives est une très bonne nouvelle et il s’en est fallu de peu qu’il passe en tête ce 17 juin. Une victoire aurait ouvert des perspectives de rupture avec la loi d’airain imposée par la Troïka (les « mémorendum »…) et fait changer la peur de camp. A l’échelle de toute l’Europe ! Même si, au final, les pro-austérité l’ont emporté, la gauche radicale gagne du terrain et se présente comme un relais politique puissant aux luttes sociales qui se poursuivent inlassablement dans le pays.
Les menaces proférées contre le peuple grec, s’il s’aventurait à mal voter, montrent bien que l’enjeu de la bataille politique à venir est autant démocratique que social. Le Pacte de stabilité, qui dépouille de fait les Etats européens de leur souveraineté économique et budgétaire, doit être ratifié en France dans les prochaines semaines. La majorité de Hollande le fera certainement sans états d’âme, à moins que nous lui imposions un autre scénario. C’est le sens de la bataille pour un référendum sur le traité. Ce sera aussi le sens de nos luttes pour les services publics, l’emploi, les droits sociaux dont celui de prendre sa retraite à 60 ans à taux plein après 37 annuités, car toute reconquête sociale sera un coup de boutoir au carcan d’austérité imposé par cette Europe qui n’est pas la nôtre. Dégagez Sarkozy était une condition nécessaire mais pas suffisante, il nous reste à reprendre vraiment la main.
Marie Cécile Périllat
1) Interview à la télévision hellène Mega Channel.