Depuis la mort du peu regretté Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » de la Vème République, on avait cru comprendre que les anciennes colonies de la France n’auraient plus avec l’ex-métropole que des relations d’égales à égale : c’en était fini des barbouzes, de la francophonie au service de l’impérialisme, des chefs d’état à vie, des compromissions financières des partis politiques et de la cellule africaine à l’Élysée. Les deux derniers présidents avaient prétendument mis un terme à cette période sombre de l’histoire. Mais il y eut le discours sarkozyste de Dakar (« l’Homme africain n’est pas rentré dans l’Histoire ») et les interventions militaires, sous Hollande aussi, à la demande des pays concernés, paraît-il, mais trop souvent unilatérales et sous de fallacieux prétextes.
À l’inverse, M. Macron avait, pendant sa campagne électorale, considéré la colonisation comme « un crime contre l’humanité, une vraie barbarie ». Et puis, une fois élu, de ses visites africaines, on retient son mépris pour l’un de ses homologues locaux, un discours lénifiant aux étudiant-es venu-es l’écouter (« prenez-vous en main »), l’aumône versée à une icône de la musique défendant l’éducation des enfants africain-es, avant la revue des troupes françaises sur place dont l’efficacité et le coût, en vies comme en scandales, notamment d’ordre sexuel (malgré le non-lieu pour des soldats de Sangaris), sont pour le moins problématiques.
Or, ce n’est plus forcément le politique mais les entreprises françaises -entre autres- qui ont l’ascendant et qui viennent, sous prétexte de développer le continent, piller ses terres rares, exploiter ses habitant-es et y semer des logiques de guerre civile et une forme de domination néo-coloniale. Inutile ici de lister les entreprises du CAC 40 qui, affichant les meilleures intentions, privilégient les dividendes en appauvrissant les peuples, en particulier en surexploitant et polluant leurs sols… En outre ces entreprises font obstacle à la démocratisation des systèmes politiques et participent par de nombreux facteurs à l’exil forcé que subit une partie de la population, pas seulement vers l’Europe d’ailleurs.
Évidemment, le SNES-FSU n’a ni l’oreille du ministère des Affaires Étrangères ni de siège au Conseil de l’Europe ou à l’ONU.
Mais en tant que syndicat de transformation sociale, il doit dénoncer ces états de fait.
En tant que promoteur de l’émancipation par l’école, il peut également peser pour que l’enseignement des enjeux contemporains prenne en compte ces questions, tant dans la formation de la profession que dans celle des élèves dont elle a la charge.
Il doit enfin réaffirmer son soutien aux luttes aux syndicats locaux proches de ses idées comme à tou-tes celles et ceux qui militent, agissent et interviennent ici et là-bas pour que l’Afrique ne soit plus le « terrain de jeu » de politiques et d’économies extérieures et pour que, près de soixante après, le temps des indépendances arrive réellement.
Michel Décha, Ecole Emancipée, Nantes