Le 22 avril 2017, l’extrême droite est arrivée pour la seconde fois au second tour de l’élection présidentielle : elle a consolidé sa place dans le paysage politique français. Sa division et ses revers électoraux ultérieurs ne peuvent être le prétexte à une minoration de son poids politique et idéologique. Ce serait une erreur, car l’ensemble du champ politique s’est déporté à droite. D’un ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls qui évoque le « problème de l’islam, des musulmans en France [[http://www.leparisien.fr/politique/valls-pointe-un-probleme-des-musulmans-dans-la-societe-francaise-21-11-2017-7407054.php]] » à un ancien ministre de l’Education qui propose, pour grimper dans le classement PISA, de « [supprimer] les 15% de quartiers pourris qu’il y a en France [où] il y a 98 nationalités [[https://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/luc-ferry-pas-forcement-contre-lidee-de-supprimer-les-15-de-quartierspourris/]] », force est de constater que les ressorts idéologiques du racisme, de la xénophobie et de l’islamophobie sont à l’œuvre dans de nombreux discours politiques par delà le clivage droite/gauche. L’exemple vient d’en haut. La profusion des discours identitaires, qui font systématiquement appel aux logiques de division, au clivage de l’étranger et du national, du « eux » et du « nous », sature l’espace public et médiatique. Elle participe à la fabrication d’un ennemi intérieur fantasmé, en correspondance étroite avec l’ennemi extérieur désigné, « le terrorisme », sans que jamais cette notion soit questionnée politiquement. A cette fin, le gouvernement Macron n’hésite pas à durcir encore sa politique migratoire, à chasser les migrant.e.s et à les lister, à favoriser l’amalgame « étranger = criminel en puissance ». Sur ce terreau, alors que l’état d’urgence devient permanent, l’islamophobie et la xénophobie ordinaires prospèrent. Il est urgent d’amplifier le combat contre ces idées et les politiques qu’elles inspirent. Mais si l’antiracisme est bien un enjeu central aujourd’hui, c’est aussi en raison des risques d’instrumentalisation à l’œuvre. En témoignent la volonté de certain.e.s d’assimiler toute critique de l’État colonial israélien à de l’antisémitisme ou la théorie souvent développée du racisme inversé, le prétendu « racisme anti-blanc ». La banalisation de ce terme dans le discours public témoigne de la tentative de détournement du vocabulaire, qui sème la confusion. Les racismes sont toujours des oppressions subies par un groupe minoritaire et elles sont organisées de façon collective et institutionnelle par le biais d’attitudes, de pratiques et de dispositions réglementaires discriminatoires, comme le rappellent tristement les contrôles au faciès ou les discriminations à l’embauche. Aussi le SNES, conscient de l’importance de la lutte antiraciste, devrait en faire une priorité d’action : – En renforçant son implication dans le groupement syndical VISA et en s’impliquant pleinement dans les campagnes unitaires pour déconstruire les argumentaires xénophobes et racistes, et ainsi faciliter une plus large diffusion dans les établissements scolaires. – En organisant une campagne de formation nationale sur cette question. – En s’engageant au côté des victimes de discrimination et de racisme. – En développant son travail syndical pour la défense du droit à l’éducation de tous les enfants entrant sur le territoire et pour la multiplication des dispositifs spécifiques en leur direction pour la maîtrise de la langue.
Antoine Vigot, École Émancipée ; Thomas Vescovi, École Émancipée