Texte action de l’EE (Conseil National du SNES – 13-14 septembre 2011)

La question de la dette des états monopolise le débat politique depuis cet été, tant en France qu’en Europe et au plan international. La crise financière s’amplifie. Il y a trois ans, lors de l’éclatement de la bulle immobilière, les discours de nos dirigeants autour d’une moralisation nécessaire du capitalisme se sont multipliés. Les Etats sont alors massivement intervenus, injectant des milliards d’euros, pour sauver les banques et le système capitaliste. Qui sauvera les Etats des exigences de leurs créanciers, ces mêmes banques qui menacent de les mettre en faillite pour des déficits dont elles sont responsables ? Le vieil adage « privatisation des profits, socialisation des pertes » reste alors cruellement d’actualité. Des plans d’austérité d’une extrême violence se multiplient dans les pays européens pour réduire les déficits publics. Asservis aux « diktats » des marchés financiers, les gouvernements imposent l’austérité budgétaire, renforcent l’inégalité fiscale, liquident les services publics. Les peuples paient au prix fort (hausse du chômage et paupérisation) une dette illégitime dont les marchés financiers sont les premiers responsables et les uniques bénéficiaires. C’est à l’aune de cette logique que l’on doit mesurer les explosions sociales et politiques de cet été, que l’on doit envisager la rentrée.
Dans ce contexte, la tenue du G20 à Cannes, début novembre, doit nous amener à participer le plus nombreux possible au contre sommet de Nice et à la grande manifestation qui s’y déroulera le 1er novembre, pour dénoncer le capitalisme financier.

Le « printemps arabe » continue de soulever le Maghreb et le Proche-orient. Après la Tunisie, en Libye, en Syrie, les classes sociales, les populations les plus opprimées et fragilisées, comme en témoigne le rôle actif des femmes, se révoltent. Mais l’aide apportée aux rebelles libyens n’efface pas le souvenir des contrats financiers et industriels (en particulier les ventes d’armes) passés avec Khadafi. Les droits du peuple libyen ne pesaient alors pas bien lourd dans la balance. Sarkozy dénonce aujourd’hui les crimes contre l’humanité de Bachar el Assad, alors qu’il l’invitait au défilé du 14 juillet l’an passé !! L’intérêt d’aujourd’hui pour ces soulèvements reste directement lié au maintien des profits et de la stabilité géopolitique.

En Europe et dans le monde, la fronde monte, des « indignés » aux révoltes en Angleterre, en passant par le mouvement de la jeunesse au Chili… : cette révolte prend des formes diverses, mais elle est le produit de la même crise et correspond au refus des conséquences des politiques néolibérales et de la gouvernance « économique ».
De plus en plus la responsabilité des plans d’austérité dans la crise est reconnue. La similitude des attaques dans tous les pays montre la nécessité d’organiser une riposte globale et en tout premier lieu dans le cadre européen.

Et en France ? L’Assemblée s’apprête à voter un plan de rigueur destiné à engranger 1 milliard de nouvelles recettes dès 2011 sur les 12 milliards prévus d’ici la fin 2012. Quand les niches fiscales représentent un manque à gagner de 65 milliards d’euros pour les comptes publics ! Quand le gouvernement continue à supprimer des postes dans la fonction publique et en particulier dans l’éducation nationale ! Le SNES, la FSU, doivent prendre part à la campagne citoyenne qui se lance à l’appel d’ATAC pour exiger un moratoire et un audit citoyen sur la dette en France. Cette campagne a une portée européenne.
La FSU doit peser au sein de l’intersyndicale pour que le 11 octobre soit une journée de grève et de manifestations. Seule une puissante mobilisation interprofessionelle peut être de nature à mettre le gouvernement en difficulté.

Dans l’Education
La politique menée dans l’Education répond à des objectifs convergents, économiques mais aussi et surtout idéologiques : limiter les dépenses publiques pour se rapprocher des points de convergence et payer le service de la dette, réduire la fonction publique dans son ensemble pour réduire l’Etat à ses fonctions régaliennes et mettre en place une éducation à plusieurs vitesses répondant aux besoins du patronat quant à la formation, mais aussi à la docilité de la main d’oeuvre future. C’est à travers une analyse globale que l’on peut envisager les aspects concrets de cette rentrée.

[**Les attaques directes contre les enseignants*] sont nombreuses : une fois de plus, le statut est menacé et à travers lui les missions et la notion de service, par conséquent le temps de travail.
À la suite du rapport sur [**les rythmes scolaires*], l’annonce de la diminution des vacances scolaires de deux semaines est une fausse réponse à la question de la fatigue des enfants. Celle-ci en effet a des origines diverses et est en particulier liée aux conditions d’apprentissage. Mais une telle réduction des vacances, associée à la réduction des heures d’enseignement hebdomadaire pour les élèves, se traduirait par une aggravation inacceptable des conditions de travail des enseignants en même temps qu’elle permettrait d’en réduire le nombre et le coût. Le rapport porte en creux d’autres menaces très graves : réduire la journée scolaire (de cours) mais l’allonger avec un temps d’accompagnement éducatif obligatoire, pour l’élève comme pour l’enseignant, revient à allonger le temps de travail tout en dénaturant nos missions… Ce sont donc bien avant tout le métier et le statut qui sont attaqués sous prétexte de mener une réflexion légitime sur les rythmes.

Le gouvernement ne cède rien sur [**l’évaluation*] : si la double évaluation dans ses modalités actuelles est très peu satisfaisante, si l’inspection se réduit trop souvent à la vérification d’une « norme » d’enseignement, souvent en lien avec les chefs d’établissements, sa disparition, la mise en place d’une évaluation unique aux mains des seuls CE est lourde de menaces. Elle rendrait les enseignants beaucoup plus dépendants et réduirait la possibilité de recours. L’évaluation sur une « feuille de route » ne répond pas aux besoins spécifiques de l’Education. Le CE n’ayant pas compétence à juger de la maîtrise disciplinaire et pédagogique de l’enseignant, cela revient à nier la professionnalité de nos métiers, et à ne juger que la docilité des enseignants, leur mise au pas… Elle est liée à la mise en cause du statut et des missions et est cohérente avec les dispositifs mis en place pour les affectations dans les établissements ECLAIR.
L’autonomie et la gouvernance des EPLE participent de la même logique de mise en concurrence des établissements et des enseignants.

[**La précarité*] ne cesse d’augmenter, précarité statutaire pour les non-titulaires, le décret concernant la résorption de la précarité n’ayant pas été étudié en conseil des ministres cet été, contrairement à ce que prévoyait la loi, mais aussi précarité d’exercice pour les TZR de plus en plus en service partagé, ainsi que pour le commun des personnels affectés, de plus en plus souvent, sur deux, voire trois ou quatre établissements. Au niveau de la vie scolaire, la situation est dramatique : les Aed, AVS et autres personnels sont victimes eux aussi des suppressions massives de postes, les temps partiels qu’on leur impose ne leur permettent pas de suivre des études, et ils évoluent avec des conditions de travail de plus en plus difficiles.

La destruction de [**la formation des maîtres*] reflète directement les objectifs du gouvernement. En plaçant les stagiaires directement devant les élèves, ce sont des milliers de postes qui sont économisés ; sous couvert d’une fausse « élévation du niveau de recrutement » on place les jeunes collègues en situation de plus en plus difficile et on nie la nécessité de la formation et donc les spécificités du métier. L’enseignant ne doit plus être un concepteur de son métier mais un simple exécutant. Le SNES rappelle qu’il demande le retrait de cette réforme et la mise en place d’une tout autre réforme de la formation. Il sera en particulier très vigilant cette année sur les nombreux collègues en renouvellement. Il continuera de dénoncer la disparition de la formation et enclenchera une grande bataille sur les pré-recrutements, comme moindre mal à cette réforme.

[**Sur le terrain*], Les élèves et les jeunes sont des victimes directes des réformes du gouvernement. A travers l’ensemble des mesures c’est une politique fondamentalement inégalitaire et antidémocratique qui se dessine. La hausse des effectifs constatée dans de nombreux établissements à cette rentrée est un des éléments de la dégradation de l’Education Nationale. Sans se lancer dans une bataille de chiffres, le SNES dénonce les arguments fallacieux du gouvernement. En créant 9 nouveaux internats d’excellence pour 10 000 élèves, le ministère reconnaît bien l’importance des moyens dans la réussite scolaire, mais il la réserve aux seuls « méritants ». Dans le même temps, il met en place l’Education à deux vitesses que nous rejetons. Aux uns « l’excellence », aux autres les ECLAIR , et l’enseignement réduit au profit de l’expérimentation. Ailleurs, grâce aux évaluations incessantes (LPC, évaluations 5èmes), la sélection et l’éviction scolaire des élèves s’effectuent au quotidien.
On organise la sortie de certains élèves des établissements : DIMA devrait concerner 7000 jeunes à la rentrée, d’autres dispositifs en alternance se mettent en place dès la 4ème, et trouvent un prolongement logique avec la 3ème pré-professionnelle, la loi Cherpion permettant aux jeunes de 15 ans de quitter l’école pour un véritable contrat d’apprentissage.
Le LPC est un des outils qui permettent ce tri au sein du collège ; le SNES fera campagne auprès des enseignants, des parents et de l’opinion publique pour expliciter la nocivité de la notion de compétence, dans le cadre imposé par le gouvernement. Il appelle de fait les personnels à ne pas entrer dans la démarche du LPC en cette rentrée.
Dans le même temps le gouvernement s’en prend toujours davantage aux conseillers d’orientation psychologues. Cinq départs à la retraite sur six ne sont pas remplacés, de nombreux CIO ferment. Le nouveau décret régissant la profession réaffirme l’appartenance des COPSY à l’Education Nationale, mais laisse une marge de manœuvre importante au local, dans le cadre de la labellisation. Ainsi, les Cités des Métiers ou autres Maisons des Compétences, associations privées, pourraient « gouverner » l’orientation – donc les personnels et tout ou partie des missions – avec la bénédiction des Rectorats.

Les enseignements sont clairement mis en danger au collège comme au lycée avec l’extension de la réforme aux classes de première. Les heures d »accompagnement personnalisé ont été installées au détriment des options, ce qui illustre parfaitement les véritables objectifs poursuivis. Dans plusieurs disciplines, les nouveaux programmes conduisent à une perte de sens de l’enseignement. Appauvrissement de la pensée et nouvelles sanctions disciplinaires (mise en place de Travaux d’Interêt Général à l’extérieur de l’établissement) concourent à abandonner l’ambition de faire des élèves des citoyens.
La situation est donc de plus en plus grave, le gouvernement, malgré sa faible popularité n’a rien abandonné de ses objectifs.

Dans ce contexte, le pire serait d’attendre les élections présidentielles et un homme ou une femme providentiel(le). Le mouvement syndical a le devoir de répondre aux attentes des salariés sous peine de s’en couper. Dans la période il faut :
pousser à l’organisation des stagiaires et travailler avec leurs comités
s’appuyer sur les premières mobilisations pour faire des assemblées générales et les développer
faire du 27 septembre une journée de centralisation et lui donner une grande ampleur
pousser à ce que le 11 octobre soit une journée de grève interprofessionnelle, même sans appel de l’intersyndicale au complet.. Dans tous les cas, le 27 septembre ne pourra pas rester isolé. D’ici au 11, le positionnement des organisations syndicales peut évoluer, la FSU doit rester très offensive vis à vis de ses partenaires, à tous les échelons.

Les élections professionnelles sont un enjeu majeur du premier trimestre car tout a été fait pour amoindrir la représentativité des syndicats et en particulier du SNES. Nous devons clairement l’expliquer aux collègues. Mais ces élections ne peuvent pas constituer l’essentiel de l’activité du SNES avant les vacances de novembre. Nous les réussirons d’autant mieux que nous aurons su construire la mobilisation.