« La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. »
[/Antonio Gramsci/]
Peu de personnes pensaient cela possible et pourtant D. Trump a été élu par les grands électeurs président des Etats-Unis. La Bulgarie et la Moldavie viennent, elles aussi, d’élire des présidents proches des positions de V. Poutine. Dans le même temps, et plus près de nous, l’Autriche risque début décembre d’avoir un président du FPÖ, parti proche du FN. Le président turc Erdogan instaure une dictature sans que cela occasionne la moindre réaction des gouvernements des démocraties occidentales qui préfèrent regarder ailleurs de peur de voir l’accord sur les migrants remis en question par la Turquie. Ainsi la tentation du repli frontalier, identitaire, conséquence des ravages du libéralisme économique, est omniprésente, faisant le lit du FN. Et ce ne sont pas les tenants actuels du gouvernement, ni le démissionnaire Macron, et encore moins Fillon qui pourraient l’enrayer. En effet leurs projets politiques se fixent, , sur la poursuite de la casse sociale : des salaires, de la sécurité sociale, des services publics, de ce qui reste du code du travail. D’autant que, l’État d’Urgenceest devenu permanent et sert de prétexte à un traitement indigne des migrant-e-s, à un climat raciste et xénophobe et une criminalisation des mouvements sociaux. Ce climat voit heureusement s’opposer à lui des manifestations plus fournies que celles de l’extrême-droite, l’exemple de la manifestation du 26 novembre « migrant-e-s bienvenue » est à ce sujet une initiative qui ne doit pas rester sans suites.. Ce sont pourtant les mouvements sociaux qui sont porteurs d’espoir. Le mouvement d’ensemble contre la loi « travail », l’opposition à l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, la résistance des enseignant-e-s face à la réforme du collège ou le mouvement engagé dans les lycées de l’Éducation prioritaire, en sont des exemples. Il faut construire et promouvoir des mots d’ordre et des mouvements émancipateurs à l’opposé d’un syndicalisme d’accompagnement, prêt à trouver des conquêtes dans les marges de la régression générale des droits orchestrée par nos gouvernements successifs.
Les mobilisations interprofessionnelle et dans la fonction publique
Après la forte mobilisation du printemps, l’intersyndicale opposée à la loi El-Khomri s’essouffle, notamment depuis le départ de F.O. Cela est propice au découragement mais ne doit pas faire renoncer les organisations restantes à travailler ensemble à la construction des futures mobilisations et des revendications unifiantes pour de nouveaux droits. En ce sens, les débats « c’est quoi ce travail » que vont initier la CGT, Solidaires, l’UNEF, l’UNL et la FSU sont un bon départ que le SNES devra promouvoir, mais ils devront trouver une suite revendicative. Dans la fonction publique, la mobilisation du 29/11 qui se tient pendant cette CAN est en-deçà de ce qu’il est nécessaire de proposer aux personnels face à l’absence de réelles mesures de revalorisations et de résorption de la précarité. Ainsi la convergence nationale des services publics semble, par exemple et parmi d’autres, un cadre large (associatif, syndical et politique) plus propice à poursuivre les débats, à construire la mobilisation et promouvoir nos revendications pour le service public face aux régressions proposées par les libéraux de tous bords.
Le projet PPCR reste inacceptable pour les enseignant-e-s
Le projet de décret faisant suite au protocole PPCR, institue une nouvelle carrière et un nouveau mode d’évaluation pour les enseignant-e-s. Malgré le retrait du bilan professionnel et quelques autres mesures ce projet reste inacceptable : l’avancement en début de carrière des collègues sera ralenti ce qui n’est pas tolérable en l’absence d’une réelle revalorisation salariale. Le nouveau grade ne sera réservé qu’à des collègues ayant exercé assez longtemps certaines fonctions, ou dans certains contextes, et l’accès de toutes et tous à la hors-classe ne sera pas garanti. es
En outre, la réforme de l’évaluation inclut un volet sur l’« accompagnement » des enseignant-e-s qui est source d’inquiétude : certains diront que les projets ministériels vont dans le bon sens car seuls 3 « rendez-vous » d’évaluation sur l’ensemble d’une carrière sont prévus. Selon le ministère, il s’agit de « mieux accompagner les personnels dans l’exercice de leur métier ». Collectif ou individuel, cet accompagnement vise la mise en œuvre de « projets », « l’évolution des pratiques pédagogiques » et à « expliciter les orientations nationales », à la demande de l’enseignant-e, à celle des chefs d’établissement et inspecteurs Il est assuré par les supérieurs hiérarchiques ou des formateurs. , A la à celle.
C’est un rythme unique déconnecté de l’évaluation et le plus favorable pour tous que nous devons revendiquer selon nos mandats. Le SNES et la FSU doivent donc voter contre ce projet et ne pas laisser FO usurper un positionnement de lutte et de transformation sociale sur lequel nous sommes plus légitimes… Ce syndicat communique déjà de façon mensongère et malhonnête sur le sujet mais il y a bien un élément au moins sur lequel il risque de capter l’attention des collègues quand ils regarderont leur fiche de paye : les augmentations prévues par PPCR ne suffiront pas à compenser la perte en salaire net due à la hausse progressive de la retenue pour pension. On ne peut pas voter pour ces décrets, se féliciter d’avancées bien maigres au regard des reculs que porte en germes ce projet. Plus que jamais, dans le contexte actuel, nous devons nous prémunir des mesures qui pourraient être prises sur la base de cette réforme managériale et dont nous serions comptables en approuvant ce décret.
De plus nos conditions de carrière et nos salaires sont aujourd’hui un frein réel au recrutement.
Éducation :
Copsy : La fusion des corps des Copsy et des psychologues du premier degré est une avancée positive qui répond à une revendication de la FSU. Cela ne doit cependant pas masquer les problèmes rencontrés par ce corps, notamment lors des regroupements et suppressions massives de CIO et des projets de décentralisation des missions.
Remplacements :
La ministre de l’Education Nationale a annoncé le 18 octobre dernier 7 mesures électoralistes et très médiatiques censées améliorer le remplacement dans les écoles, collèges et lycées. L’efficacité de ces mesures est plus que douteuse. Les deux premières consistent d’ailleurs à « mieux informer » et communiquer en direction des parents, « dans le respect des droits des personnels », cela va sans dire. La 4ème mesure emboîte sans complexe le pas à la droite, en annonçant que les remplacements dits De Robien seraient « réactivés ». Pourtant, ils avaient rencontré une vive opposition, été source de tensions dans les établissements, et fait la preuve de leur inefficacité. A côté de cela, le ministère n’a annoncé aucune mesure relative à l’augmentation du nombre de TZR dans le 2nd degré, ainsi qu’à l’amélioration de leurs conditions de travail, alors que le vivier est notoirement insuffisant pour couvrir, dans certaines matières, ne serait-ce que les besoins de remplacement anticipés avant la rentrée.
Ces mesures résultent d’une vision simpliste de la situation, qui permet à l’administration de s’exonérer de ses responsabilités. Elles contribuent à laisser penser que les absences des enseignant-e-s seraient illégitimes, qu’elles seraient responsables de la désorganisation du service, et que les enseignant-e-s pourraient quand même y mettre un peu du leur !
Le SNES-FSU condamne le recours à la précarité, et revendique la titularisation de tous les non-titulaires, l’augmentation des moyens de vie scolaire et du nombre de TZR, dont les conditions de travail doivent être améliorées, et la pénibilité de leur mission mieux reconnue.
Le SNES-FSU doit soutenir les collègues dans les établissements et les aider à ne rien se laisser imposer, en communiquant contre la « réactivation » des protocoles de remplacements de courte durée qui devront être présentés dans les C.A.
Éducation prioritaire :
Le mouvement engagé pour raccrocher les lycées à l’éducation prioritaire n’est pas anodin et concerne plus d’une dizaine d’académies. Le Snes-Fsu doit continuer à soutenir et fédérer les établissements en lutte et aider à la poursuite du mouvement après la journée de grève du 29 novembre. Il doit signer sans attendre l’appel « touche pas à ma zep » et / ou l’appel pour une carte élargie de l’éducation prioritaire de la maternelle au bac, le premier étant laissé de côté sous prétexte qu’il affirme qu’en REP+ c’est « Rien En Plus ». Pourtant au regard du management souvent agressif qui s’exerce dans ces réseaux, des effectifs de classe qui stagnent ou augmentent, les personnels ne voient guère que sur leur feuille de paie l’aumône qui leur est accordée au regard de leurs difficultés d’exercice. Le message du SNES doit être clair : il faut éviter de se cacher derrière les mots et reconnaître en signant ces appels que malgré les moyens accordés pour les pondérations et les primes. Le compte n’y est pas, même en collèges où les AED sont toujours exclus de l’indemnité perçue par les autres personnels dans ces établissements. Le SNES-FSU pourrait lancer le mot d’ordre « une indemnité pour les AED ». L’enfumage du ministère sur ce dossier est criant (voir tableau du collectif en fin du texte).
Collèges :
Trois mois après la rentrée et la mise en œuvre de la réforme du collège, alors que les réunions et les conseils de classe s’annoncent, les collègues sont déjà épuisé-es et n’ont aucune perspective réjouissante en vue : la résistance pédagogique prônée à juste titre par le SNES est inconséquente, car elle renvoie à l’échelon local le rapport de forces, déjà dégradé suite à l’échec de la mobilisation pour le retrait de la réforme du collège. L’autonomie des établissements et les bidouillages de mise en œuvre de la réforme rendent la tâche difficile aux syndicalistes ; on s’épuise à valider des compétences dont on ne comprend pas la formulation, à préparer des bulletins dont on ne sait pas à quoi ils ressembleront ni combien de pages ils feront au final ; on prépare les élèves à un DNB sans pouvoir leur dire en quoi consistera vraiment leur oral, pourtant noté sur 100 points, car cet oral peut porter au choix de l’élève sur les EPI ou quatre « parcours », par nature différents pour chacun des élèves.
Par ailleurs, la campagne initiée par le SNEP et rejointe par le SNES qui se fonde sur l’ajout de 100 points au DNB pour les « disciplines oubliées » est dangereuse : en ajoutant un étage au château de carte douteux du ministère, nous légitimons d’une certaine façon l’organisation du DNB issue de la réforme et nous rajoutons une charge de travail en fin d’année à des collègues déjà à bout.
Pour donner du corps à son mot d’ordre, le SNES doit lancer une véritable campagne nationale qui ne soit pas fondée uniquement sur une résistance locale mais doit permettre aussi aux personnels de s’y reconnaître, à travers une pétition intersyndicale par exemple, sous forme d’engagement collectif à ne pas renseigner le LSU ou en tout état de cause des éléments directement issus de la réforme du collège.
Plus généralement le SNES ne doit pas avoir peur d’avancer ses propositions pour l’école ni de participer à toute la réflexion pédagogique actuelle. C’ est d’autant plus urgent que les débats sur l’école risquent de se polariser sur les propositions rétrogrades des candidats de la droite notamment.
La souffrance au travail engendrée par cette réforme est inédite. Les équipes comme les individu-es dans les établissements se retrouvent dans une situation inextricable dans laquelle, quelle que soit leur adhésion à la réforme, le travail est non seulement augmenté, mais aussi empêché. Le syndicat doit se montrer capable d’analyser et répondre à cette souffrance. Il doit par exemple poursuivre la campagne d’HIS dans les collèges, mettre en place des formations spécifiques sur les conditions de travail, aider les collègues à alerter les CHSCT et proposer, par exemple,
des rassemblements d’enseignant-e-s contre la multiplication des tâches annexes et des injonctions contradictoires, cela peut d’autant plus être populaire que l’on peut inviter les équipes à remplacer leurs éventuels conseils de cycle et autres conseils école-collège par des soirées d’action, ce qui peut leur faire reprendre la main sur leur agenda, polarisé par la hiérarchie. Ces initiatives permettraient de préparer une grande grève et manif de printemps pour la défense et la transformation égalitaire de l’école publique (avec l’intersyndicale et les fédérations de parents) contre les nombreux politiques qui veulent mettre en place un examen d’entrée en sixième, faire faire 3 semaines de stage en entreprise en troisième, rétablir la note de vie scolaire et les blouses, développer la caporalisation des enseignants, allonger leur temps de travail, qui veulent supprimer des postes ou qui veulent interdire l’école aux enfants sans papiers, etc. Nous avons un boulevard sur ces thèmes et il serait bon de ne pas louper le coche car les faux débats sur l’école pourraient bien rapidement prendre le dessus et pour longtemps si nous n’occupons pas le terrain. Cela suppose de commencer à mobiliser maintenant.
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