« Nous ne sommes pas des grains de poussière ! » Il y a juste deux ans, des millions d’Iraniennes, d’Iraniens, criaient ainsi dans la rue leur révolte contre l’arbitraire, les élections truquées. Arte vient ce soir de nous le rappeler. Elles, ils, ont voulu croire que « l’aube est encore possible ». Le rêve s’est brisé, les bassidji étaient là, la répression féroce. La mère de Sohra, tête haute, pleure son fils abattu d’une balle dans la sienne, les cimetières sont devenus des lieux de subversion : rien n’arrête la douleur, la détermination, la colère des mères ! L’Iran après l’Argentine… « Ne nous demandez jamais de nous taire ! » Ebrahim Methari nous dit l’effroyable, la torture.
Insupportable effroi qui nous fouette en retour ! Majid Tavakoli est toujours en prison pour avoir contesté dans son université, le soir du 14 juin 2009 en prélude à ce qui fut la nuit de cristal des étudiants iraniens… Un temps télé rare dont nous garderons ces mots : « Ils pensent qu’ils ont éteint le feu, nous sommes le charbon ardent sous les cendres… »
Mais qu’avons-nous fait en écho à ce printemps persan ?
Un autre tison couvait sous le bassin minier tunisien. Mohamed Bouazizi est chômeur, marchand ambulant pour survivre. Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, la police de Ben Ali l’interpelle, confisque son maigre bien, le gifle, lui crache dessus. Il s’immole par le feu. Un acte de désespoir, terrible ! Ce fut une fin à Prague en 1968, c’est un début à Tunis en 2011. La révolution éjecte le dictateur, brandit l’exigence de dignité, déploie ses rêves. Et ce n’est qu’un commencement : on sait qu’elle est permanente, ainsi que la chante Moustaki…
De semblables braises s’attisent en Egypte, Moubarak dégage aussi, puis dans l’entre-deux libyen où le sinistre Kadhafi entendait que l’ordre règne à Benghazi avant qu’une coalition d’empires ne s’emploie à lui voler le rétablissement de l’ordre. Son ordre. Du Maghreb au Machrek, la vague s’étend : Bahreïn, Yémen, Syrie… avant de ré-atterrir en Iran ? Dans l’attente, les protestations contre le bain de sang perpétré par Bachar El-Assad restent discrètes, de l’Europe à Israël, comme s’il était périlleux de voir ce régime déstabilisé. C’est donc à nous qu’il appartient de développer la solidarité avec le peuple syrien… de toute urgence !
De l’autre côté de l’océan et d’une autre manière, la contestation de la misère, de l’ordre qu’impose le capitalisme mondialisé, gagne du terrain dans le sous continent latino-américain.
L’heure pourrait bien être à la mondialisation de la révolte : ils sont 8, nous sommes des milliards, avons-nous scandé au Havre !
L’Europe forteresse voudrait bien se protéger de ce vent qui nous vient, de nouveau, de Carthage. Mais la crise est là, dans ses dimensions économique, écologique et maintenant politique. Les indignations aussi traversent la méditerranée…
C’est que de ce côté de mare nostrum, il y a aussi des dictatures : celles de la finance, des dividendes sacrés versés à des actionnaires intouchables, des gouvernements dont le seul souci est de maintenir l’ordre capitaliste.
La Grèce est vendue à l’encan, la cupidité des banques est sans limite. Demain sera jour de grève générale pour exiger l’annulation de la dette illégitime. Aux quatre coins du carré ibérique, aussi, la crise ravage les liens sociaux, écrase les plus faibles. Dans l’état espagnol, Los indignados – sans oublier l’autre, ou la première, moitié du monde : Las indignadas – font entendre une autre voix quand, là aussi, la sociale démocratie se soumet aux dictats, quand, là particulièrement, le mouvement syndical abdique et cautionne les plans d’austérité.
Cette déflagration est en passe, pour l’heure timidement, de traverser les Pyrénées…
La France est rentrée en campagne électorale. Par un tsunami ! Le présumé septième président de la V° république est tombé, retenu dans sa retraite dorée de Manhattan, otage de ses pulsions. Le festival médiatique, non dénué d’hypocrisie, étale en boucle des images qu’on reproche aux Américaine de tourner, balayant au passage la souffrance de celle, simple femme de chambre, qui reste ignorée… Rappel d’un sexisme ordinaire. Et discrédit renforcé des hommes politiques !
Les affaires continuent : destruction des solidarités, casse des services publics. A commencer par l’École. L’Éducation nationale supprime des postes et recrute par annonce des enseignants… Quel mépris !
La droite populiste n’a pas fini ses méfaits. Une simple alternance n’inversera pas les choses.
Décidemment, il nous manque une alternative portée par le mouvement social et les composantes politiques qui refusent les politiques sociales libérales, rejettent le système capitaliste…
Qu’attendons-nous pour la construire ?
JM, MM
Le 14 juin 2011.