Sélection en master : pourquoi il ne fallait pas signer !
Le 4 octobre 2016, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MENESR) a annoncé avoir conclu un accord, incluant un projet de loi, avec plusieurs organisations sur la « Réforme du cursus conduisant au diplôme national de master ». Il s’agit d’introduire des modalités de sélection à l’entrée du master
(sur concours ou sur dossier, motivées par la limite de capacité d’accueil), tout en proclamant un droit à la poursuite d’études pour tout.es les étudiant.es qui le souhaitent.
Parmi les signataires : la CPU, le SGEN-CFDT, l’UNSA, le SNPTES, l’UNEF, la
FAGE et… le SNESUP-FSU, dont le dernier congrès d’orientation (2015) a pourtant
adopté le mandat suivant : « Le SNESUP-FSU s’oppose à toute forme de sélection tant à
l’entrée en Licence qu’à l’entrée en Master ou entre M1 et M2. Qu’il ait ou non une dominante
recherche ou professionnelle affirmée, le Master est un bloc qui doit combiner recherche et formation sur les deux années. Tout étudiant qui a validé une licence doit pouvoir accéder de droit à
un master correspondant à son parcours antérieur (domaine, mention, spécialité…). » Non seulement la signature de cet accord viole ce mandat du SNESUP-FSU, mais, plus encore,
la décision de le signer a été prise sans aucune consultation des instances délibératives
du syndicat, alors que le traitement d’une question aussi importante demandait la concertation la plus riche et la plus large possible avec les élu.es et les syndiqué.es.
Le « droit à la poursuite d’études en master » de ce dispositif prévoit qu’un.e étudiant.e
qui ne trouverait pas d’inscription dans un master de son choix pourrait se tourner vers
le recteur de la région académique où il-elle a obtenu sa licence. Ce dernier devra alors
lui faire au moins trois propositions d’inscription dans des formations de master où il
reste des places, prioritairement dans son établissement d’origine, en essayant de « tenir
compte » de son projet professionnel. Or, ni les établissements, ni les rectorats ne disposent actuellement des moyens techniques et des personnels pour s’en occuper. En revanche, la définition de capacités d’accueil dans les formations par les établissements est
beaucoup plus facile et rapide à mettre en place, étant donné l’asphyxie financière actuelle de ces derniers, le manque drastique de personnels qualifiés titulaires et la croissance des effectifs étudiants.
Cet accord n’apporte donc aucune garantie sérieuse d’amélioration de la situation en matière de poursuite d’études en master. Il évacue la question d’un véritable service public d’orientation universitaire et professionnelle, qui fait cruellement défaut, et il risque
d’être particulièrement discriminant pour les étudiant.es d’origine modeste, trop souvent
contraint.es de travailler pour financer leurs études, au détriment, parfois, de la qualité
de leurs résultats universitaires. Il est à craindre, enfin, que ce dispositif ne conduise à la
création de masters « d’élite » d’un côté et « au rabais » de l’autre, aggravant les disparités
entre grandes universités « de recherche », très bien dotées et une majorité d’établissements à la peine ; un processus renforcé par le maintien des filières sélectives dans les
grandes écoles.
En inscrivant la possibilité de la sélection dans le Code de l’éducation, cet accord ouvre
de fait la voie à sa généralisation et, loin de protéger les étudiant.es, il constitue au contraire une remise en cause globale de la démocratisation de l’Enseignement supérieur qui
doit être poursuivie et relancée. L’introduction de la sélection en master mâche le travail
de la Droite qui pourra l’étendre d’autant plus aisément au premier cycle et ceci dès la
rentrée 2017.
Alors que le SNESUP-FSU se revendique, avec sa fédération, la FSU, d’un syndica-
lisme de transformation sociale, cette signature est un parjure de ses fondements. Comment une direction syndicale peut-elle espérer obtenir la confiance des personnels et des
étudiant.es lorsqu’elle se montre aussi prompte à renoncer à ses mandats et à signer un
accord aux « bienfaits » aussi relatifs qu’hypothétiques ? Les militant.es École émancipée-
Pour un syndicalisme offensif (ÉÉ-PSO) considèrent que le mandat d’opposition à toute
forme de sélection à l’entrée en licence comme en master doit continuer d’être défendu.
Car, outre qu’elle sanctuarise le principe d’austérité, la sélection est aussi un moyen de
déterminer socialement la valeur du diplôme et d’organiser un marché économique capitaliste de l’éducation dont nous ne voulons pas. Par la sélection, la logique de l’employabilité en fonction des demandes patronales se substitue à celle de la possibilité de
choisir librement son orientation professionnelle. La sélection constitue enfin une limitation supplémentaire au développement d’une recherche libre et indépendante. Tout
comme le « suivi de carrière », ce dispositif est une attaque contre l’ensemble de notre
communauté scientifique. Le SNESUP-FSU doit se ressaisir, revenir sur cet accord et le
combattre avec énergie et détermination.