Par Fabienne Rochat
Tout au long de ce premier quinquennat, les enseignantes et enseignants ont lutté, exprimé leur rejet de la politique éducative menée par Blanquer, ralentissant un peu le cours de certaines réformes. Ce fut le cas des mobilisations contre la loi dite de l’école de la confiance qui a conduit à l’abandon des Établissements Publics Locaux des Savoirs Fondamentaux, ou encore la grève historique du 13 janvier dernier, qui nous évitera certainement un deuxième quinquennat Blanquer.
Cependant ces mobilisations n’ont pas réussi à infléchir le projet de déploiement d’une école profondément libérale. C’est le sens de l’ensemble des interventions du Macron candidat, présentant un programme éducatif dont les grandes lignes restent désespérément semblables à celles que nous subissons depuis 5 ans, en particulier l’entêtement au renforcement des fondamentaux.
Les réformes à venir sont celles, évoquées notamment dans le Grenelle, qui n’avaient pas pu aboutir.
Ainsi Macron entend généraliser l’expérience marseillaise, « laboratoire de liberté et de moyens » selon lui, rapprochant les directrices et directeurs de la chaîne hiérarchique, notamment en leur confiant la mission de recruter leur équipe pédagogique. Dans la même veine, il veut rendre publics les résultats des évaluations nationales, permettant aux familles de comparer les écoles. Cela s’articule avec la généralisation des évaluations d’écoles et une organisation scolaire favorisant leur regroupement. Le projet de Macron promeut une auto-évaluation sous contrôle et une évaluation externe effectuée par le corps d’inspection premier et second degré, mais aussi des directrices et directeurs d’école, des personnels de direction, cadres administratifs, conseillers et conseillères pédagogiques, et même des collègues. Ce projet prévoit en outre d’assujettir une hausse salariale à de nouvelles tâches. Il entend aussi accentuer la place de l’entreprise au collège et réformer en profondeur le lycée professionnel pour y massifier le temps en entreprise, réduisant d’autant les savoirs non légitimés par les diktats économiques.
Si on laisse Macron mener sa politique, il orchestrera une mise en concurrence généralisée des personnels entre elles et eux, des écoles entre elles… sous le regard de parents réduits à consommer des services scolaires. Avec des parcours scolaires socialement différenciés dès le primaire, le caractère ségrégatif de notre système éducatif sera exacerbé : 50% d’une classe d’âge à bac -3, 50 % à bac + 3. Une école sans moyen, notamment pour l’inclusion, imposée à marche forcée.
Après 20 ans de politiques libérales et de sous-investissements chroniques, 2 ans de crise sanitaire et 5 ans de Blanquer, il est de notre responsabilité de préparer dès à présent les mobilisations nécessaires pour qu’on ne fasse pas un pas de plus dans le processus de libéralisation du système scolaire, et pour concrétiser le projet du SNUipp-FSU pour l’École.
La période électorale et les nouveaux accords à gauche nous donnent une forme d’espoir. A nous d’infliger une défaite politique à Macron. Faisons valoir la violence qu’il infligera à notre système scolaire si on lui laisse les moyens de mener sa politique, violence à la hauteur de ce que l’École subit depuis 5 ans.
À l’heure où les urgences climatiques et sociales se font de plus en palpables, nous devons stopper cette logique libérale mortifère. Il faut empêcher Macron de continuer à détruire l’école et les services publics, imposer au plus vite des réformes permettant à l’école de contribuer à une transformation du monde démocratique, émancipatrice, égalitaire et écologique.