S’occuper du genre à l’école

Constatant les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes, le Ministère des Droits des Femmes, en partenariat avec le MEN, a lancé en septembre 2013 le dispositif ABCD de l’égalité, destiné à lutter contre les stéréotypes de genre à l’école primaire.

Si l’objectif n’est pas nouveau, il s’agit de donner aux professeur-es des écoles des outils et ressources pédagogiques pour éduquer à l’égalité, ainsi qu’une formation, souvent réduite à une simple sensibilisation.

Avec un double but : les inciter à mener des activités spécifiques autour de l’égalité filles-garçons, mais aussi à réfléchir aux pratiques de classes qui, si on n’y prend garde, concourent à reproduire les mécanismes de domination et à renforcer les stéréotypes.

Le rapport sur les stéréotypes [[http://www.strategie.gouv.fr/]] remis à Najat Vallaud-Belkacem en janvier 2014 l’énonce clairement : « [L’école] demeure à bien des égards un lieu d’apprentissage de comportements sexués figés, qui reflètent les rôles sociaux traditionnels : il existe une « facette implicite du métier d’élève » en ce sens que l’école apprend aussi à être un homme ou une femme.

Un système de valeurs et de représentations prescriptives inculque aux enfants qu’ils doivent, selon qu’ils sont des filles ou des garçons, privilégier certaines manières de penser et d’interagir, adopter des traits de personnalité spécifiques et même choisir certaines options et disciplines scolaires. L’école transmet ainsi un « curriculum caché ». En cela, elle est (re) productrice d’inégalités et de discriminations de genre. »

**Un constat de la recherche

Des chercheuses comme Nicole Mosconi ou Marie Duru-Bellat l’ont démontré depuis plus de vingt ans, mais le problème est que les enseignant-es ne sont pas toujours en contact avec les résultats de la recherche.

L’éducation nationale porte là une lourde responsabilité. Sans en être conscient-es, ils/elles interagissent nettement plus avec les garçons qu’avec les filles, leur adressent plus de remarques d’ordre cognitif, des questions plus complexes.

Les corrections en aveugle montrent combien sont prégnants les préjugés selon lesquels les garçons « peuvent mieux faire » et les filles « font ce qu’elles peuvent ».

L’effet Pygmalion qui en résulte est dommageable, notamment au niveau du sentiment de compétence et de l’estime de soi des filles. « Ainsi, à l’école, les garçons apprennent à s’exprimer, à s’affirmer, à contester l’autorité de l’adulte, quand les filles apprennent à « prendre moins de place », physiquement et intellectuellement, à moins exprimer publiquement leur pensée, à se limiter dans leurs échanges avec les adultes, à être moins valorisées, à se soumettre à leur autorité et à supporter, sans protester, la dominance de certains garçons. » [[N. Mosconi : Genre et pratiques scolaires, comment éduquer à l’égalité – http://eduscol.education.fr/ ]]

Nicole Mosconi dit aussi qu’« une simple formation théorique des personnels sous forme de cours et de conférences est inefficiente ».

Persuadé-es d’avoir une gestion de classe « neutre », les enseignant-es résistent face au constat de ce qui se joue réellement. Une vraie formation sur ces questions suppose qu’ils/elles se confrontent à leurs propres représentations.

Avons-nous toutes et tous la même conception de l’égalité entre les sexes ? Ce sont les enjeux de la prise en compte du genre à l’école.

**Vers des pratiques égalitaires

En matière de pédagogie, on le sait, il n’y a pas de recette miracle.

Gaël Pasquier [[Thèse « Éduquer à l’égalité des sexes
et des sexualités à l’école » – Novembre 2013.]] prend l’exemple du placement des élèves : « l’alternance des filles et des garçons constitue bien souvent un instrument de gestion de la discipline », les filles étant censées tempérer l’agitation des garçons.

Mais d’autres enseignant-es choisissent cette disposition comme « vecteur d’égalité, pour encourager d’autres solidarités que celle liées à l’identité de sexe ».

Une même pratique peut donc viser des objectifs différents, selon la façon dont elle est pensée. On peut supposer qu’elle aura donc des effets différents. « Si les dispositifs mis en place ne sont pas accompagnés d’une réflexion personnelle et étayés par les discours de l’enseignant-e, ils peuvent transmettre des valeurs contraires à celles qui sont souhaitées. »

Pas de recette miracle, non, mais l’urgence d’une formation solide afin de favoriser la prise de conscience de ces phénomènes par les enseignant-es, et de les inciter à interroger leurs pratiques. ●

Cécile Ropiteaux