Il faut cesser de considérer les personnels et les services publics comme une variable d’ajustement des économies budgétaires de l’État.
◗ Nouvelle répartition des compétences, fin de la clause de compétence générale pour les régions et les départements, devenir des conseils généraux reste incertain… Quels impacts prévisibles pour les personnels territoriaux ?
Didier Bourgoin : Des centaines de milliers d’agents territoriaux aux missions essentielles (personnes âgées, voirie départementale, la protection de l’enfance, transports scolaires, transports ferroviaires régionaux, la restauration scolaire, entretien des collèges et lycées, services sociaux ou soutien à la culture…) sont concernés par ce projet précipité et dangereux.
L’annonce de la suppression des Conseils Généraux menacés d’ici 18 mois de transfert d’un tiers de leurs personnels dans les nouvelles régions, relève de l’improvisation, de l’incompétence et du mépris du travail des agents de ces collectivités.
En effet les compétences collèges, voirie et transports scolaires sont transférées au 1er janvier 2017 dans les « nouvelles régions » et toute la compétence « action sociale » (75 % des budgets départementaux) serait, d’ici 2020, dispersée dans les intercommunalités.
Que restera-t-il de l’égalité de traitement des usagers ? Quant aux centaines de personnels des laboratoires, des foyers de l’enfance, des archives, des bibliothèques de prêts, des musées, des sites de loisirs, des services de jeunesse, de culture, de tourisme, d’aide aux communes, d’écoles de musique… rien n’est prévu pour eux !
◗ Marylise Lebranchu reste, dans le gouvernement Valls II, ministre en charge de « la Décentralisation et de la fonction publique ».
Elle affirmait dans la Gazette des communes : « avec la réforme territoriale, aucun agent n’y perdra ». Ce discours suffit-il à rassurer ?
D. B. : En conservant le trio ministériel de la réforme territoriale et de l’État, Manuel Valls confirme cette casse du service public.
Si par leurs prérogatives, les collectivités locales ont pu être un vecteur important de solidarités territoriales, le premier ministre a souligné devant le patronat que les seules solidarités sont celles liées à l’entreprise.
Avec cette orientation, il est certain que le service public local sera plus encore malmené. Ainsi nombre de collègues ne savent pas demain où ils devront travailler ni quelles seront leurs conditions de travail : cette situation est anxiogène ! Que deviendront leurs droits sociaux ? : Régime indemnitaire, temps de travail, congés, carrière, œuvres sociales, droit syndical…
Des centaines de non titulaires sont à la merci de suppressions de postes du fait de l’annonce gouvernementale contenue dans le pacte de responsabilité, de baisser de 11 milliards d’euros les dotations aux collectivités.
Le rapport de la Cour des comptes sur l’état des finances publiques publié le 17 juin en rajoute en préconisant notamment le non-remplacement d’un départ à la retraite d’un fonctionnaire sur trois dans la fonction publique territoriale.
Il faut cesser de considérer les personnels et les services publics comme une variable d’ajustement des économies budgétaires de l’État.
◗ Quelle analyse fait le SNUCLIAS-FSU de cette réforme territoriale ?
Quelle sera son action sur cette question dans les prochaines semaines ?
D. B. : Le SNUCLIAS dénonce cette réforme territoriale sur la forme et sur le fond. Sans consultation des citoyens, sans mandat et, a contrario de l’engagement du Président de la République fin janvier 2014, le Gouvernement engage un véritable « chamboule tout » de l’organisation territoriale.
Faisant fi d’un quelconque bilan de la décentralisation des années 80, avec pour seuls arguments des économies improbables et le motif contestable de la taille des Régions, le gouvernement Valls impose un chaos institutionnel sans précédent.
Pour le SNUCLIAS, toute réforme doit assurer la solidarité et la coopération entre les collectivités territoriales, l’égal accès de tous aux droits sociaux fondamentaux sur l’ensemble du territoire de la République.
Elle doit aussi permettre le respect et la garantie des droits individuels et collectifs des personnels. Nous appelons tous les parlementaires à s’opposer à cette réforme marquée par l’absence de concertation avec les représentants des personnels et porteuse de lourds dangers pour les services publics locaux, les agents territoriaux et les usagers.
Le SNUCLIAS prendra toute sa place pour informer sur les dangers de cette contre-réforme. En lien avec le mouvement social, il prendra les initiatives afin de s’y opposer.
Il soutiendra les mobilisations des agents territoriaux pour dénoncer les effets néfastes et prévisibles qu’elle contient.●
Didier Bourgoin
secrétaire général du SNUCLIAS-FSU.