Trente ans de politiques néolibérales ont produit les pires méfaits. Elles ont laminé les protections, les solidarités, les liens sociaux tout en minant la combativité sociale et politique. D’alternances en alternances, rien ne change, ou plutôt tout se détériore.
La politique de l’actuel gouvernement valide les thèses libérales et épouse l’ordre existant. Les normes de la compétitivité et les recettes d’ajustement structurel s’imposent contre le partage des richesses et l’extension des droits. Les solutions gouvernementales se moulent dans le projet de l’Union européenne et sa « concurrence libre et non faussée ». La règle des 3 % de déficit se fait règle d’or. Le CICE et le Pacte de responsabilité ne sont que la pointe émergée d’une orientation générale faisant la part belle aux grandes entreprises, à la finance. A l’Assemblée nationale, Valls n’a rien dit du coût du capital mais martelé : « le coût du travail doit baisser ». Le MEDEF peut se frotter les mains avec 30 milliards d’allègement de cotisations d’ici 2016 et une promesse d’assouplissement du code du travail. Encore plus quand François Rebsamen annonce une diminution des droits des salariés dans l’entreprise ou une ratification de la nouvelle convention UNEDIC contre les précaires et les intermittents. Et, pendant ce temps-là, le chômage augmente, le pouvoir d’achat baisse…
Cette situation produit son lot de désespérance et de désorientation politique. Une gauche au pouvoir menant une politique proche de celle de Nicolas Sarkozy, à l’exception près de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, emporte toute la gauche dans le désastre. L’hégémonie culturelle penche à droite, voire à son extrême. Sans avoir forcément de grandes illusions, les millions d’électeurs qui ont porté Hollande au pouvoir attendaient une autre politique, de gauche. Et les mesures et discours de droite du « gouvernement de gauche » contribuent à pousser encore plus le curseur idéologique et politique vers la droite. Les « nominations » individuelles de la dernière période accentuent le brouillage : une
conseillère économique élyséenne chantre du libéralisme venant de la « Bank of America » et un vieux réac promu « défenseur des droits » !
Malheureusement, l’alternative ne se cristallise pas sur la gauche, pour l’instant… C’est le Front national qui tire les marrons du feu. Il a réussi à imposer, à droite comme à gauche, ses thèmes xénophobes, réactionnaires, sécuritaires. Sa banalisation, son profil de rejet du système en place, son discours de retour à l’ordre qui trouve une résonance dans une société en crises multiples, tentée par le repli, son explication simple de tous les maux par l’immigré coupable, le musulman responsable, produisent un cocktail détonnant et porteur dans ces moments troubles.
Le combattre sur le seul terrain moral n’est plus opérant. Il nous faut à la fois expliquer la réalité de son programme, à mille lieux des besoins populaires et des meilleures aspirations démocratiques, et bâtir une alternative émancipatrice. Il faut entamer un travail de reconquête dans les couches populaires et salariées, travail qui ne peut se faire qu’en montrant que les éléments d’alternatives à construire sont l’antithèse de la politique gouvernementale.
Le mouvement syndical, atteint lui aussi dans sa crédibilité et sa légitimité, se doit de retrouver au plus vite le chemin de la défense intransigeante des salarié-es, des plus démuni-es sans complaisance aucune vis à vis des orientations du pouvoir en place. Ce qui se passe en ce moment avec les luttes exemplaires des cheminot-es et des intermittent-es est des plus révélateur. Il se doit d’occuper le seul terrain non investi encore par le FN, celui des mobilisations sociales afin de montrer sa détermination à obtenir enfin des acquis pour le plus grand nombre.
Le temps presse. La gauche, la vraie, dans toutes ses composantes politique, syndicale, associative, est au pied du mur : elle doit oser et se refonder ou elle reculera et périra. Elle doit renouer avec le tranchant de ses valeurs ou elle se perdra définitivement dans le moule néolibéral.
Laurent Zappi