Depuis son arrivée rue de Grenelle, JM Blanquer n’a de cesse de vouloir réduire l’agir enseignant, de le protocoliser et de transformer les PE en exécutants. Pour cela, il a promu un management injonctif, prescriptif et le cas échéant répressif. A l’instar de Taylor, il entend sous couvert de rationalisation découper et techniciser l’enseignement. Mais là, il ne s’agit plus de découper des opérations de travail sur de la matière inerte. Il s’agit d’enseignement et d’êtres humains et c’est une différence irréductible.
Avec le Grenelle et grâce à l’« apport » de people adoubés expert-es en éducation, JM Blanquer appuie sur l’accélérateur dans la voie de la déqualification du métier. en ajoutant à son arc la corde d’un management participatif , nouvelle forme de gouvernance et de l’individualisation des carrières.
Comment ? En faisant de l’investissement dans des dispositifs de formation un nouvel outil de gestion des carrières. Ainis il a pu évoquer une « certification pour l’école maternelle ». Le CSEN a lui émis l’idée de la nécessité devalider la maîtrise des techniques « efficaces » pour enseigner en CP et CE1.
Certaines académies ont déjà expérimenté des « open badges » visant à « reconnaître et valoriser les apprentissages informels acquis dans le milieu professionnel ou dans un cadre privé ».
Des groupes de travail ministériels ont été le lieu de formulations analogues. La part-belle a été faite à une « gestion des ressources humaines de proximité » permettant aux enseignant-es d’être acteur de leur « développement professionnel » en lien avec la formation continue.
Etre l’entrepreneur de son capital de formation, voilà la proposition de JM Blanquer aux enseignant-es, transférant la responsabilité de l’institution sur les individus.
C’est une orientation pratique pour évacuer la question des moyens de formation. Pour autant, ne disparaît pas le resserrement sur les apprentissages dits fondamentaux. On le retrouve dans le plan national de formation, dans la réforme de la formation initiale, dans la certification des formateurs-trices. La verticalité est toujours présente, en particulier dans des procédures de contrôle des pratiques très poussées, comme en CP et CE1.
L’incidence sur les carrières ne sera pas que financière. Le CSEN travaille à une proposition de refonte du référentiel de compétences des métiers de l’éducation dans laquelle il prévoit pour chaque compétence professionnelle, quatre niveaux de maîtrise. Le quatrième niveau, identifiant une maîtrise experte, ouvrirait la voie à la possibilité d’être prescripteur de pratiques.
La lecture de la synthèse du Grenelle est donc inquiétante : dans l’atelier « Écoute et proximité », il est proposé de « confier aux CPC la possibilité d’assurer une GRH de proximité auprès des professeurs des écoles (repérage des potentiels, animation des équipes, suivi des expérimentations ou des innovations pédagogiques selon une démarche collégiale en lien avec les IEN, aide face aux difficultés professionnelles…) ».
Autre pierre à l’édifice de remise en cause du métier enseignant, le projet de réforme du CAFIPEMF qui non seulement et sans surprise se resserre sur les apprentissages dits fondamentaux, mais qui organise une coupure d’avec la recherche via l’abandon du mémoire et projette les futur IMF sur une formation/évaluation de plus en plus individualisante.
Si les arbitrages ministériels du Grenelle ne seront rendus que fin, tout indique une profonde remise en question du métier, et à travers lui, côté personnels des statuts et des rémunérations, et côté élèves sous de faux semblants pragmatiques et bienveillants, un renoncement à toute démocratisation de la réussite scolaire.
Il y a donc un fort enjeu à populariser et soutenir la grève du 11 mars dans les INSPE pour demander le retrait de la réforme de la formation des enseignant·es et de la réforme des concours de recrutement aux métiers d’enseignant·es. Mais il faut d’ors et déjà se préparer la construction des mobilisations contre ce qui pourrait sortir des arbitrages du ministre, dont les incidences les plus graves ne seront peut-être pas la faiblesse du niveau de revalorisation mais plutôt la soumission encore plus grande des métiers à la hiérarchie par l’outil du management participatif.