par Grégory Bekhtari
« Il n’y a pas deux sortes de victimes. Il n’y a pas des Européens chrétiens qu’il faudrait défendre et puis des gens qui ne sont pas européens qui seraient au Moyen Orient et qui seraient musulmans et qu’on aurait eu raison de ne pas accepter chez nous. Je crois que cette attitude là, c’est une faute. (…) Aujourd’hui, on aurait raison de soutenir et d’accueillir tous les réfugiés qui nous le demandent et il y a quatre, cinq ans, c’était pas bien ? Je crois qu’on a tort et vous avez raison de souligner ce deux poids, deux mesures. Il n’est pas glorieux pour nous. »
Cette déclaration n’a pas été prononcée par un-e militant-e pour les droits des migrant-es mais par Robert Ménard, maire de Béziers et figure médiatique de l’extrême droite, récemment sur LCI. Sans s’attarder sur les raisons d’un tel revirement, qui ne suffira jamais à racheter la violence raciste qu’il a infligée pendant tant d’années, on peut s’accorder sur le fait qu’il permet d’affaiblir la position de rejet et d’hostilité vis à vis des migrant-es, une position traditionnellement portée par les partisan-es de la droite extrême nationaliste et xénophobe.
Le consensus politique et social qui se dégage pour mettre en œuvre en urgence un accueil digne des Ukrainien·nes fuyant la guerre est une bonne nouvelle. Il bat en brèche la propagande mensongère répétée ad nauseam selon laquelle « la France n’aurait plus les moyens de recevoir des migrant·es ». Il faut donc se servir de ce consensus pour revendiquer une pratique véritablement universaliste de l’accueil, alors que le sort indigne réservé jusqu’à présent aux migrant·es issu·es d’Afghanistan, de Syrie, de différents pays d’Afrique démontre par contraste l’existence de biais profondément racistes qui restreignent le périmètre de solidarité et de mécanismes de déshumanisation qui frappent les étranger·es qui ne sont pas perçu·es comme blanc-h-e-s. La lutte pour la solidarité avec les migrant·es, toutes les migrantes et tous les migrants, est indissociable de la lutte contre le racisme, comme le rappellera la manifestation unitaire du 19 mars à laquelle la FSU appelle.
Concernant les libertés associatives maintenant, les conséquences néfastes prévisibles de la loi dite « séparatisme » se font sentir, et rien ne nous permet de savoir où s’arrêtera la logique répressive et liberticide du gouvernement actuel (ou d’un gouvernement à venir). Cette loi est bien utilisée comme un instrument de mise au pas d’organisations protestataires sur une base pure et simple de délit d’opinion, indigne d’une démocratie attachée à la liberté d’expression et d’association dans les actes autant que dans les discours.
Après la procédure de dissolution touchant Nantes Révoltée, Gérald Darmanin s’en prend au collectif toulousain Palestine Vaincra. Les motifs invoqués sont que ce collectif : « cultive le sentiment d’oppression des peuples musulmans (…) dans l’objectif de diffuser l’idée d’une islamophobie à l’échelle internationale » et appelle « à la discrimination et à la haine envers Israël et les Israéliens ». Des accusations infamantes, qui tentent de justifier d’exclure la position de Palestine Vaincra du débat politique pour une paix juste et durable entre Palestinien·nes et Israélien·nes. Encore une fois, le gouvernement tente d’amalgamer la critique et l’opposition à la politique de colonisation et d’occupation de l’état israélien à des discours de haine et de l’antisémitisme en particulier. Alors que le président Macron, dans un discours lu par son premier ministre lors du dernier dîner du CRIF, balaie toutes les résolutions du droit international pour s’aligner sur les positions d’un gouvernement israélien de droite radicale dont il se fait le relais en France, son ministre de l’intérieur censure littéralement la parole qui s’oppose à la propagande israélienne. D’ailleurs, dans la situation actuelle, le deux poids, deux mesures qui consiste à exiger de la Russie de respecter le droit international tout en encourageant Israel à continuer à le bafouer est politiquement dangereux, en ce qu’il laisse entendre que la vie des Ukrainien·nes auraient plus de valeur que celle des Palestinien·nes. La FSU doit donc soutenir Palestine Vaincra et s’associer à tout cadre unitaire qui permettrait d’empêcher qu’elle soit dissoute et réussir ainsi à infliger une première défaite sur le front de cette loi liberticide.