Sur la ZAD, dans les 200 comités de soutien partout en France et ailleurs,
on se tient à nouveau prêt-es pour une
éventuelle tentative d’expulsion
ou un démarrage des travaux de l’aéroport.
Suite au jugement du Tribunal Administratif de Nantes validant les arrêtés préfectoraux qui autorisent le début des travaux, et ceci en contradiction totale avec les conclusions rendues dix jours plus tôt par la Rapporteure Publique, la menace d’une intervention sur la ZAD redevient plus que probable. Si les opposant-es comptent tenter un ultime recours devant le Conseil d’État, il est possible que cette décision du Tribunal administratif marque la fin des recours légaux. D’ailleurs, de nombreux candidats en campagne se plaisent à le rappeler : ce sont au total 178 décisions de justice qui sont allées dans le sens des porteurs du projet d’aéroport. Pourtant, le cas de Sivens l’a dramatiquement prouvé : les trajectoires de la justice ne sont pas linéaires, et ses revirements interviennent parfois trop tard. En juin, avec la consultation, on nous a fait le coup de la « démocratie », aujourd’hui, on nous fait celui de la « justice ». Mais ce que la lutte contre l’aéroport et son monde nous enseigne, à tous et toutes, c’est que l’issue ne dépend que de l’énergie dont nous faisons preuve dans notre résistance.
La force de la lutte est indéniablement liée à sa transversalité et à sa multiplicité. Les différentes « composantes du mouvement » l’illustrent bien : des paysan-nes aux associatif-ves, des squatteur-euses aux élu-es, en passant par les naturalistes et les soignant-es, on lutte contre l’aéroport et son monde depuis de multiples situations, souvent un peu conflictuelles, parfois contradictoires même. Mais, on tient ensemble. Récemment, on a vu la dynamique syndicale gagner en force dans le mouvement.
C’est le cas notamment avec la CGT AGO, le syndicat interprofessionnel de la zone aéroportuaire de Nantes Atlantique, rencontré au cours d’une manif contre la loi Travail. Dans un nuage de gaz lacrymos, la conversation s’engage, « et vous, vous en pensez quoi de l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes ? » Il se trouve que ce projet, c’est une menace directe sur leurs emplois. Une invitation est lancée par les syndicalistes à rejoindre un blocage pour soutenir les salarié-es d’Avia Partner, un sous-traitant de l’aéroport, menacé-es d’un plan de restructuration économique.
Faire converger
les luttes
Quelques occupant-es de la ZAD s’y rendent, puis ce sont les syndicalistes qui viennent sur la ZAD : une bouffe, un peu plus tard une balade, puis tout le monde s’organise ensemble pour préparer un nouveau blocage de l’aéroport, le troisième depuis le début du mouvement. Les bloqueur-euses ont la surprise d’être accueilli-es par 300 flics, qui empêchent à peu près tout mouvement, avec quand même cette scène, presque burlesque, de squatteur-euses de la ZAD qui essaient à tout prix de distribuer des tracts de la CGT.
L’histoire de la complicité avec les syndicats, c’est aussi celle de la CGT Vinci : là encore, une histoire de rencontres, de complicité, de temps partagés sur la ZAD. Tout cela aboutissait notamment en mars dernier à un communiqué contre le projet d’aéroport et l’expulsion de la ZAD dans lequel les syndicalistes déclaraient : « Nous ne sommes ni des mercenaires ni des esclaves : nous ne voulons pas travailler dans un climat de guerre civile, mais dans les meilleures conditions, avec des droits et des garanties collectives. Nous voulons travailler sur des projets dont nous puissions être fiers pour leur utilité sociale et sociétale ».
C’est cet état d’esprit qui anime désormais le tout récent « Collectif syndical contre l’aéroport et son monde ». Avec pour objectif de soutenir les travailleur-ses de Nantes Atlantique quand Vinci organise le pourrissement de son propre aéroport, mais aussi la volonté de converger face à la répression grandissante que les mouvements subissent. Au delà de la lutte contre le projet d’aéroport, ce qui rassemble, c’est aussi ce qui se vit sur la ZAD : la réappropriation des moyens de production dans les domaines agricoles, de la construction ou l’artisanat, la possibilité de sortir du monde marchand, rétablir les liens entre les travailleurs-es de la ville et de la campagne, lorsque les paysans-es de Loire Atlantique ravitaillaient les piquets de grèves des ouvriers comme en Mai 68 ou lors des mouvements sociaux des années 90. ●
« Camille, habitante de la ZAD »