Les révolutions et soulèvements dans le monde arabe traduisent des revendications démocratiques et sociales émancipatrices. Les droits des femmes et donc l’exigence d’égalité formelle ne sauraient être oubliés dans les processus à l’oeuvre.Les mouvements de femmes en Tunisie, en Egypte, mais aussi en Algérie, au Maroc, revendiquent et exigent la prise en compte des revendications spécifiques aux femmes.
Neila Jrad, féministe tunisienne, souligne à propos du processus à l’œuvre en Tunisie le paradoxe entre l’importante mobilisation des femmes et l’invisibilité qui est pourtant la leur, tant dans les nouvelles institutions que dans les comités de quartiers. Elle évoque également les violences spécifiques dont elles ont été victimes dans les manifestations : « pourtant, dans cette révolution qui fut celle de la révolte contre l’atteinte à la dignité humaine, ces violences policières faites aux femmes méritaient largement d’être signalées ».Le 13 mars 2011 se tenait en Tunisie une conférence nationale des femmes pour l’égalité et la citoyenneté, à l’issue de laquelle était publiée « La Déclaration des Tunisiennes pour l’égalité et la citoyenneté ». Lors de leurs travaux, les participantes ont rappelé la nécessité de rendre effective l’égalité, notamment par l’intégration dans la Loi fondamentale de nouvelles dispositions mais aussi des dispositions internationales auparavant refusées. Faire face à toute forme de violence matérielle et morale, aux pratiques humiliantes ou portant atteinte à la dignité de la femme, garantir les mesures de protection et de soutien aux femmes victimes de violence, sont les objectifs de la loi qu’elles souhaitent voir voter aujourd’hui.
Intégrer les femmes dans les processus démocratiques
En Egypte, des revendications spécifiques sont également mises en avant par les mouvements des femmes : abrogation du code de statut personnel, mise en place d’un Etat laïque et participation de femmes aux commissions de réforme de la constitution. Rappelons que dans ce pays encore 91% (chiffres 2009) des femmes entre 15 et 49 ans sont excisées (elles étaient 97 % en 2004, depuis 2008 l’excision a été criminalisée ?».Une pétition a été initiée fin février pour dénoncer la constitution du Comité constitutionnel qui ne comportait aucune femme expert juridique. Cette pétition a également été l’occasion de rappeler, comme en Tunisie, la nécessité de prendre en compte les femmes dans le processus démocratique :
« Par la présente, nous nous interrogeons sur les critères selon lesquels les membres du Comité Constitutionnel ont été choisis ; sont-ils basés sur des critères politiques ou sur des valeurs d’égalité et de justice comme énoncés par la révolution ? ».
Les Codes de la famille, carcans pour les femmes.
En Algérie et au Maroc, les femmes ont également des revendications spécifiques et ont su rappeler pendant tout le début d’année les revendications qui sont les leurs, notamment l’abrogation du Code de la famille en Algérie, l’application réelle du nouveau Code de la famille (mariage des filles à 18 ans notamment) au Maroc, l’augmentation des quotas de femmes aux conseils communaux au Maroc.Le Code de la famille algérien organise l’incapacité juridique des femmes : tuteur matrimonial, légalisation de la polygamie, mari comme « chef de famille », limitation du droit de circulation de la femme, négation du droit de divorcer engendrée par les conditions imposées aux femmes, précarisation matérielle et parentale de la femme divorcée… Cette liste n’est pas exhaustive. Les femmes algériennes exigent l’abrogation du Code de la famille et l’application de lois égalitaires comme des objectifs mais également des moyens de « poser en profondeur la question démocratique sous l’angle de la séparation de la religion des affaires publiques ».
Dans les conseils communaux marocains, un quota de 12 % est attribué aux femmes.
Le 9 Mars, un chantier de réforme constitutionnelle était lancé par Mohamed VI pour « renforcer l’expression de la démocratie et des droits de l’homme ». A l’occasion de son lancement, l’égalité femmes hommes, revendiquée notamment par l’organisation marocaine des droits de l’homme n’a pas même été abordée dans les « fondements majeurs » de ce chantier.
Ces revendications, ces luttes, nous rappellent que l’égalité femmes-hommes est un enjeu des changements fondamentaux à l’oeuvre et qu’il ne peut en être fait abstraction.
Neila Jrad l’énonce très clairement : « la construction de l’égalité en Tunisie ne doit se faire ni sans les femmes ni contre les femmes mais avec les femmes dans le cadre de la préservation des droits acquis et du développement de ces droits vers une égalité totale et réelle ». [(Sources :
- Nouvelle page au Maroc. Et pour les femmes ? Arnaud Bihel www.lesnouvellesnews.fr
- Article de Neila Jrad, n°216 du 29 Janvier 2011, Attarik el Jadid, la Voie Nouvelle.
- http://famalgeriennes.free.fr/)]