Quand il y a un an, un virus apparaissait en Chine, personne ne pouvait en imaginer les conséquences mondiales, en Europe, et ici, en France.
D’une crise sanitaire qui, en mars, confinait plus de la moitié de la planète impactant négativement l’économie mais positivement les écosystèmes, prouvant l’ineptie des modes de production et de consommation actuels, nous sommes passé·es à une crise économique et sociale dont l’ampleur risque d’être inégalée dans l’histoire contemporaine. Une crise qui, comme toujours, frappe les plus pauvres et précaires d’abord, notamment les femmes.
La gestion de cette crise par le gouvernement alterne entre incompétence, mensonges, libéralisme forcené et recours autoritaire. À force de plan d’aide aux grosses entreprises tout en abandonnant le secteur de la culture et les petit·es indépendant·es, d’ordres et de contre-ordres au sein de la même majorité, du même gouvernement, de mise en danger au travail, avec le seul prisme de la privation de libertés plutôt que l’explication, la légitimité de l’exécutif est remise en question. Légitimité qui ne peut s’accrocher à la gestion de l’aspect purement sanitaire de la crise. Des masques aux tests et maintenant aux vaccins, cette gestion est catastrophique.
Cette crise, mais plus encore sa gestion très « start-up nation », conçue dans un moule entrepreneurial, a mis le libéralisme et ses thuriféraires à nu. Elle démontre d’une part à quel point le maintien du profit d’une minorité en est le seul moteur et, d’autre part, comment plusieurs décennies de ces politiques ont détruit pour partie les mécanismes de solidarité, services publics en tête, et rendu visible l’état critique de l’hôpital public. Tout cela s’accompagne de mesures toujours plus liberticides pour contrôler les résistances et libère les discours et actes racistes, xénophobes, islamophobes mais aussi laisse une grande place au complotisme comme dérivatif aux vraies responsabilités. En l’absence d’alternatives politiques crédibles, toutes les failles et les divisions sont bonnes à exploiter pour se placer en position de force avant les élections de 2022.
Une crise scolaire déjà écrite
L’école et ses personnels ne sont pas épargné·es. Cette gestion erratique se retrouve aussi dans les établissements scolaires. Alors qu’autour de nous, les écoles restent fermées, les personnels prioritaires pour les vaccins, les effectifs réduits… rien de cela en France où la mise en œuvre des gestes barrières et l’aération des locaux sont largement insuffisants. Une insuffisance justifiée par des mois de discours sur une école « protectrice » et un déni avéré de la réalité de l’épidémie et de la circulation active du virus dans les écoles et établissements et démontrant le choix du mensonge comme mode de pilotage de Blanquer.
En plus de cette gestion désastreuse, Blanquer maintient son cap et ne dévie pas de sa feuille de route de destruction de l’école. La politique éducative menée depuis le début de son arrivée rue de Grenelle est celle d’un idéologue de l’école libérale.
En maternelle, c’est l’attaque sur les programmes de 2015 pourtant salués par la profession. Ce qui est prégnant c’est, là encore, le recentrage sur les fondamentaux et l’évaluation comme outil de pilotage au détriment de la démocratisation scolaire et de la réussite de toutes et tous, notamment pour les élèves des catégories populaires.
C’est ensuite une réforme de l’Éducation Prioritaire ou plutôt de sa destruction à venir. En remplaçant une politique de compensation par des moyens fondée sur des critères transparents par une politique contractuelle par établissement, c’est un pilotage par les résultats aux évaluations, qui se mettrait en place.
Cette contractualisation mettrait en concurrence les écoles, faisant disparaître les REP, sans pour autant garantir quoique ce soit, ni aux élèves du point de vue des conditions d’apprentissage, ni aux enseignantes en termes de conditions de travail et de moyens. Et, nous le savons, les formes de pilotage mises en place dans l’éducation prioritaire seraient ensuite généralisées à l’ensemble du système éducatif.
C’est enfin la gestion des carrières par la formation. On voit ici se dessiner un nouveau mode de gestion des ressources humaines, s’affranchissant totalement des règles communes dont le paritarisme était le garant. C’est l’engagement dans des dispositifs de formation, mis en place par l’administration ou émergeant de façon plus informelle, les « communautés d’apprentissage », qui deviennent le critère pour évoluer dans sa carrière aussi bien en termes de nomination que d’avancement. Cela permet à la fois d’éviter de pallier au manque de moyens récurrents pour la formation, tout en restant prescriptif sur les « bonnes méthodes » enseignantes.
Les marqueurs généraux de la politique éducative sont donc l’individualisation, la contractualisation, qui impose une soumission hiérarchique, une mise sous tutelle totale des carrières et du pouvoir d’agir enseignant, jusque-là inconnue. Le tout dans une école qui ne vise pas à l’élévation générale des savoir de toutes et tous mais une école qui offre à chacun·e en fonction de ses « moyens ». Une école de la reproduction sociale. Et un Ministre qui ne dévie pas de son projet destructeur des fondements de l’école publique.
Mettre en mouvement la profession, et toute la société
Dans ce cadre, l’appel à se mobiliser le 26 janvier prochain est une pierre essentielle dans la reconstruction sociale.
La FSU, et le SNUipp, y consacrent une énergie réelle. Le triptyque salaire, métier, emploi nous permet de déployer justement notre campagne : les raisons de se mobiliser sont multifactorielles et les collègues en colère. Cela mêle à la fois l’absence de reconnaissance du métier d’enseignant·e, les lourdes questions de conditions de travail auxquelles s’ajoute la gestion de la crise sanitaire, gageons que ce sera une journée réussie qui posera, à travers la nécessité d’un plan d’urgence pour l’école, la question d’une toute autre répartition des richesses. Et il nous faut, dans les 10 jours qui arrivent tout faire pour que cela le soit. La date interprofessionnelle du 4 février, qui sera là aussi centrée sur les questions de salaires et d’emploi donne une perspective pour permettre de construire une première étape d’un « tous ensemble » après les mobilisations sectorielles du mois de janvier, celle du 26 janvier dans l’éducation auxquelles s’ajoutent les mobilisations contre la loi sécurité globale des 16 et 30 janvier et les mobilisations de la santé et de l’énergie les 21 et 28 janvier. Et la perspective d’une grève féministe le 8 mars doit être posée au plus vite : la crise sanitaire a, une fois de plus, démontré que les femmes sont les plus exposées aux conséquences ce cette crise. C’est de cela, et d’autres initiatives à construire, notamment dans le cadre du collectif « plus jamais ça », dont nous devons nous saisir et proposer largement aux personnels dans les assemblées générales et ailleurs.
L’ensemble de ces dates forment le début d’un canevas qui peut dans une forme de roulement de défense des services publics, des libertés, des salaires, de lutte contre les discriminations et d’une autre répartition des richesses offrir une autre perspective qu’un enfermement entre extrême droite et libéralisme.