Dans notre pays, les mineur-es privé-es pour une raison ou une autre de soutien familial doivent être pris-es en charge par les départements (dont dépend l’Aide Sociale à l’Enfance), après une décision judiciaire (du parquet ou du juge) les concernant.
Or, celles et ceux-ci ont généralement beaucoup de difficultés à faire valoir leur droit à la protection, même (et les mauvaises langues diront surtout) s’ils /elles le demandent.
Ceci vaut bien sûr aussi pour les mineur-es étranger-es. Entrer en contact avec les institutions ad hoc est très souvent long et compliqué, particulièrement dans les grandes agglomérations. Le rôle des associations comme RESF par exemple est ici déterminant.
Dès le début de sa « prise en charge » ( si il/elle a la « chance » d’en bénéficier), le/la jeune étranger-e est systématiquement « évalué-e » par des travailleuses et travailleurs sociaux (de l’ASE ou de toute association mandatée) que l’on charge ainsi d’un très sale boulot d’auxiliaire de police : le but de cette évaluation en effet n’est ni plus ni moins que de déterminer si la personne est mineure ou non (auquel cas bien sûr elle ne relève plus de la protection du Conseil Départemental). Cette évaluation est établie à partir d’entretiens et au vu des documents d’identité éventuellement présentés par le/la mineur-e. Elle peut se traduire aussi par une saisine de la justice qui peut seule recourir aux fameux « tests osseux » dont la faillibilité et la propension à donner des marges d’âge systématiquement défavorables n’est plus à démontrer. Le rapport est ensuite transmis au président du Conseil Départemental qui tranche et transmet à son tour au parquet, qui prononce une ordonnance de placement ou de classement sans suite selon les cas. Dans le premier cas, le/la jeune peut alors être pris-e en charge là où il/elle se trouve ou envoyé-e dans un autre département.
Une minorité fréquemment contestée
Le jeu pour beaucoup de conseils départementaux, avec le plus souvent la complicité de l’appareil judiciaire, est de limiter autant que faire se peut l’admission à la protection de mineur-es étranger-es. Celles et ceux-ci sont ainsi considéré-es a priori comme des menteurs et menteuses et comme une « charge » (sous-entendu indue au regard d’une misère sociale qui serait authentiquement française). Dureté et malveillance des évaluations, contestations de minorité a posteriori et procédures judiciaires pour « perception d’une aide indue » engagées contre les jeunes par les Conseils Départementaux sont ainsi à l’ordre du jour. On a même vu il n’y a pas si longtemps le Conseil Départemental de la Manche différencier (avant de se raviser devant le caractère inconstitutionnel de sa décision) étranger-es européen-nes et non européen-nes pour l’obtention de contrats jeunes majeur-es…
C’est cette voie de la différenciation des déshérences et de la fragilité qu’a choisi de creuser le pouvoir. Ainsi, une mission bi-partite nommée par le Premier Ministre a rendu son rapport fin février. Comme l’écrit le GISTI, « ce rapport semble privilégier le transfert de compétences des missions d’évaluation et d’hébergement d’urgence des départements vers l’État, ce qui aboutirait à un régime discriminatoire à l’égard des jeunes exilé-es. » L’État pourrait alors à loisir trier les jeunes provisoirement protégé-es et leur évaluation pourrait être prise en charge non plus par des travailleurs sociaux, mais par des personnels de la PAF ou des Préfectures qui rendraient une décision non susceptible de recours. Ce sont alors des milliers de jeunes qui seraient privé-es du droit le plus élémentaire d’un recours en justice, au nom d’un « pragmatisme » et d’une « efficacité » toutes « macroniennes ». ●
Pascal Besuelle