Le ministère a ouvert un cycle de discussion sur la « redéfinition des métiers » dont 5 « chantiers » concernent le premier degré (PE, direction d’école, PEMF, Rased, CPC).
Pour la grande majorité des collègues, les adjoints, il n’y a aucune mesure particulière. Pour le reste, et au-delà de quelques mesures très contraintes par les choix budgétaires du gouvernement, on assiste plus fondamentalement à une volonté de renforcer le pilotage des circonscriptions (pôle ressource de circonscription), de remise en cause de la notion de réseau d’aides et de constitution d’une hiérarchie intermédiaire (CPC et directrices/teurs de grandes écoles). Ces mesures s’inscrivent dans une logique d’accentuation des différenciations internes et de remise en cause de l’unité professionnelle des enseignants des écoles.
PE : les oubliés du ministère
Le groupe de travail PE est assez emblématique de la vacuité de chantiers métiers qui traitent de pas grand-chose en un minimum de temps. Si l’ensemble de la problématique conditions de travail et d’exercice du métier a été abordée oralement par les organisations syndicales, rien n’a été traité. Le ministère a juste rappelé ce qu’il avait déjà accordé en juin (l’ISAE, 24h d’AP forfaitisé) et traitera dans un second temps les modalités d’amélioration des conditions d’exercice en éducation prioritaire. Quelques points notamment sur les obligations de service des personnels en établissement médico-sociaux, en prison… seront traités plus tard.
Des points non budgétaires pouvant être résolus avec une petite volonté politique sont enlisés depuis le début de l’année (RIS sur temps de travail par exemple) ou vaguement traité pour la forme sans aucun changement fondamental (note mobilité et les mutations en général par exemple). Tandis qu’en parallèle, une dégradation des conditions d’exercice des remplaçants se profile (décret sur le statut PE permettant leur annualisation complète).
Direction : le ministère se décharge sur l’indemnitaire
Si le cadre de la direction d’école reste toujours le décret de 1989, il s’agit bien pour le ministère par petites touches de définir un « métier » particulier différent de celui d’enseignant des écoles. Un « référentiel métier » sera rédigé définissant les « activités propres au directeur d’école », les « connaissances spécifiques requises » et les « capacités/connaissances » à développer par la formation. Ce référentiel sera un outil pour le recrutement et la formation.
Concernant l’affectation, le ministère acte la généralisation des postes « à profil » pour les écoles les « plus complexes », un terme centré sur l’éducation prioritaire mais cette notion peut être élargie à de nombreuses écoles.
Concernant la « simplification des tâches », au niveau national comme départemental, des groupes de travail seront constitués pour examiner des pistes de simplification pour la rentrée 2014.
Concernant la formation, trois fois rien, le ministère va réécriture de la note de service de 1997 en s’appuyant sur le « référentiel métier » et devrait réaffirmer les 5 semaines de formation préalable auxquelles s’ajouteraient « au minimum 3 journées supplémentaires » à la fin de la 1ere année d’exercice. Les faisant fonction devront bénéficier d’une formation…
Concernant l’amélioration des conditions d’exercice, trois fois rien également. Pour les écoles de moins de 4 classes (non déchargées), la décharge dite « de rentrée scolaire » passe de 2 jours à 4 jours. Les directions d’écoles de 5 classes et plus seront déchargées totalement d’APC. Les 3 et 4 classes déchargées de 18H (sur les 36H), les 1 et 2 classes resteront à 6H de décharge. A noter l’engagement du ministère : pour la rentrée 2015, 1 jour de décharge par mois pour les 3 classes et 1/2 journée supplémentaire par semaine pour les 9 classes; rentrée 2016, 1 jour par mois pour les 2 classes et 1/2 journée supplémentaire par semaine pour les 8 classes.
Concernant l’indemnitaire, la part complémentaire de l’indemnité de sujétion spéciale augmente pour les moins de 10 classes.
Enfin, le ministère généralise à tous les départements le point supplémentaire direction d’école dans le barème pour le passage à la hors classe. Il réserve également un accès au grade à accès fonctionnel (Graf, voir ci-dessous) aux directeurs d’école, dont les modalités sont à venir mais qui serait ciblé sur les directrices et directeurs sur postes à profil…
Au final, quasiment rien sur la question centrale du temps de décharge mais deux mesures, généralisation du point pour l’accès à la hors classe et mise en place du graf , qui vont diviser la profession.
Des Rased réorientés
Les groupes de travail Rased ont porté sur l’adaptation des missions à un repositionnement du réseau au niveau de la circonscription. L’objectif du MEN était d’attaquer la notion de périmètre d’intervention, coûteuse en postes mais qui garantit le travail en équipe sur un nombre limité d’écoles. Sur les missions, il s’agissait de rompre avec le suivi des élèves pour faire des Rased, surtout les G et les psys, des experts de la difficulté scolaire, intervenant en situation de crise sur tout le territoire de la circonscription, tels des “pompiers”.
Sans oser le dire, le ministère veut remplacer le terme Rased par la formule managériale de “Pôle ressource de circonscription”, dans lequel l’IEN pourra piocher, en fonction des urgences, un jour un psy, un autre jour un maître G ou un conseiller pédagogique.
Or, sans fonctionnement en antenne, sans dispositif de suivi transversal des élèves et sans périmètre d’intervention limité, on ne peut plus aujourd’hui parler de RASED. Alors il y a fort à parier que dans les classes, nous n’aurons plus “d’accompagnants”… mais, rassurons-nous, nous aurons des “intervenants” ! Et même en zone “difficile”, priorité du ministère, les enseignants seront toujours aussi seuls face à la grande difficulté scolaire et les enfants toujours aussi peu aidés.
L’intervention du SNUipp-FSU a permis de préserver au moins l’existence des 3 spécialités. Mais sur l’essentiel, le ministère a engagé un mouvement pour réorienter un dispositif en concurrence budgétaire avec le « plus de maîtres » et auquel Peillon, comme Darcos finalement, ne semble pas croire.
Maîtres formateurs négligés et CPC choyés
A l’issue des travaux, ces deux catégories de PE possédant la même certification, le CAFIPEMF, subissent des sorts très différents. Le ministère avait annoncé dès le départ sa volonté de valoriser la fonction du CPC en jouant sur les rémunérations et les perspectives de carrière.
Les CPC bénéficieront d’un point supplémentaire dans le barème d’accès à la hors-classe et la possibilité d’accès à un Graf comme pour les directeurs. Par contre, si les syndicats ont réussi à faire sauter la référence explicite aux 1607 heures, le ministère place les obligations de services des CPC dans le cadre général de la FP… ce qui revient exactement au même. Donc aucune victoire sur ce point et le danger pour les CPC de devoir travailler 35 heures par semaines et 46 semaines par an. De plus, le ministère généralise leur nomination sur postes à profil, ce qui revient quasiment à ce que l’IEN « choisisse » son équipe de CPC.
Pour les PEMF, le volume des missions est significativement accru puisqu’ils seront concernés par la formation continue et la formation à distance. Au regard de ces missions la question du volume de la décharge de classe a été posée mais la réponse du ministère est alarmante. Si elle est confirmée, elle compromet la participation effective des PEMF aux équipes d’ESPE et accroit la charge globale de travail. Sur 9 demi-journées, seules 2 feraient l’objet de décharges (3/9 avant Darcos et 2/8 depuis Darcos) et les deux heures consacrées à l’information personnelle seraient pratiquement toutes absorbées par les 108 heures.
Le Graf kézako ?
C’est un grade à accès fonctionnel, une mesure laissée en héritage par le gouvernement précédent, qui permet à une très petite fraction de personnels exerçants sur des postes « à enjeux et à fortes responsabilités » de gagner beaucoup plus d’argent. Il faut pour cela avoir exercé un certain nombre d’année sur ce type de poste et l’accès est totalement au mérite.
Limité jusque ici à la « haute » fonction publique, par exemple dans l’éducation les conseillers ou chargés de mission auprès des recteurs peuvent y accéder, le ministère envisage de l’élargir à certains directeurs d’école et aux CPC.
Elargir ainsi ce grade est un signe fort d’une recherche de petite hiérarchie intermédiaire locale par le Men. Entre les postes à profils et l’accès possible un jour à ce « graal » indiciaire, certains postes vont être très convoités…