Marcel Trillat, un journaliste éthique, humaniste, rigoureux.

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Marcel Trillat est décédé vendredi 18 septembre. Un grand consensus s’est fait autour de la très grande qualité de son parcours professionnel, mais dont on a trop souvent omis le caractère exceptionnel, puisqu’il a connu trois « mises au placard ». L’ORTF (Cinq Colonnes à la Une) tout d’abord, qui le met sur une liste noire pour sa participation à Mai 68. Il est réintégré en 1981 dans l’audiovisuel public et rejoint Antenne 2, dont il devient directeur adjoint de l’information jusqu’à l’arrivée de la droite au pouvoir. Il est de nouveau mis à l’écart à la suite de sa dénonciation du traitement de l’information pendant la première guerre du Golfe. Pas facile en effet, sous la Ve République, de défendre une conception de l’information et du journalisme éthique, humaniste, rigoureuse, mais aussi courageuse et engagée. Il n’hésite pas à offrir ses compétences aux luttes sociales et à la CGT, notamment en coanimant la radio libre Lorraine Cœur d’Acier à la fin des années soixante-dix. Il est en outre élu représentant du personnel CGT au conseil d’administration de France Télévisions de 2001 à 2006.
Marcel Trillat avait adhéré au PCF alors qu’il était à l’École normale de Grenoble (il le quitte au début des années 1980) sans rien renier, se déclarant anticapitaliste, communiste, antistalinien et s’interrogeant sur les raisons de l’effondrement de ce parti en qui tant de personnes avaient espéré.
Ce très grand professionnel laisse une œuvre considérable, de très nombreux documentaires qui mettent en évidence son analyse pertinente et détaillée de la classe ouvrière et de son évolution selon différents angles. Dans Les Prolos, celui de la classe ouvrière dans les usines, dont il démontre qu’elle existe encore malgré une conscience d’elle-même qui s’émousse. Celui des étrangers, auxquels il consacre deux documentaires (Étranges étrangers et Des étrangers dans la ville) à 40 ans d’intervalle depuis les bidonvilles de Saint-Denis et Aubervilliers à la fin des années soixante jusqu’aux sans-papiers et demandeurs d’asile du début du XXIe siècle. La troisième partie de sa trilogie (Femmes précaires) sur le monde ouvrier montre comment les travailleuses sont toujours victimes de discriminations, de violences alors qu’elles sont massivement présentes dans le monde du travail. Ces démonstrations ne sont pas statiques mais relatent en permanence les colères, mouvements, notamment en suivant pendant près d’un an la lutte menée dans une filature près de Lille où, face à l’intransigeance du groupe, les salarié-es menacent de détruire les centaines de tonnes de fil qu’ils et elles détiennent (300 jours de colère). Dans L’Atlantide, il s’est penché sur le parcours, la vie des communistes, leur aventure humaine et intellectuelle, décrite avec beaucoup de tendresse. Ces documentaires réalisés du début des années 1970 à la deuxième décennie de notre siècle méritent vraiment d’être vus ou revus .
Un grand coup de chapeau à ce journaliste, ce militant, cet homme chaleureux et passionné de discussions qui vient de nous quitter. ●
Bernard Galin