La phrase culte de Nabila « Allo ! t’es une fille et t’as pas de shampoing ! » n’est pas seulement le symbole de la machine à décerveler qu’est la télé-réalité, c’est aussi le reflet de l’injonction banale à se conformer aux clichés sexistes de base.
C’est évident, une fille, ça doit bien s’occuper de ses cheveux. Pas seulement d’ailleurs : une fille, ça aime le rose, les chats, les tutus, les anges, ça aime jouer à la poupée, ça rêve d’être une princesse…
**La seule injonction qui tienne : celle d’être soi-même
Et bien pas forcément ! Une fille, ça devrait pouvoir faire un peu n’importe quoi : jouer à un jeu de construction autant que rêver à être chevalière (oui, le féminin de chevalier, ça choque un peu parce qu’on n’a pas l’habitude…) ou aviatrice, ça peut vouloir grimper dans les arbres autant qu’embrasser ses amoureux (le pluriel laisse ouvert leur genre).
La lecture de l’album bigarré de Delphine Beauvois et Claire Cantais est bien sympathique. Il a la fraîcheur de la liberté retrouvée, quand la seule injonction qui tienne est celle d’être soi-même.
Belle charge euphorique pour affirmer la pluralité intangible des rêves et l’infinité des possibles, même féminins. À cet égard l’album fourmille d’allusions délicates à quelques figures de battantes.
Présentées rapidement dans la dernière double page qui leur est exclusivement consacrée, elles pourront utilement remplacer Nabila comme modèle d’identification.
Certes, les esprits chagrins rappelleront qu’échapper à son éducation, aux préjugés et aux pressions insidieuses de son entourage, aux sirènes sournoises de la publicité et au miroir déformant des médias, ce n’est pas si simple.
Il est certain en tout cas que la diffusion des albums de Delphine Beauvois et Claire Cantais peut y contribuer.
**Les garçons aussi
Pour être complet, il fallait aussi s’en prendre aux garçons. Eux aussi sont victimes des stéréotypes de genre. Ont-ils vraiment tous envie d’être les plus costauds, d’être des super-héros ?
Ce n’est pas évident. Ne pas aimer la bagarre, ni les jeux physiques, aimer le dessin, les fleurs, les calins… autant de désirs parfois inavoués. Accepter d’être ému ou d’admirer une fille, de partager la parole et l’espace, autant de comportements qui devraient être la norme…
Ce deuxième album complète le précédent et assume davantage sa dimension de « manuel anti-sexiste », comme indiqué en sous-titre, en dénigrant les rôles stéréotypés et en promouvant le choix délibéré de l’égalité.
Là encore l’album s’achève sur l’évocation de figures militantes – masculines cette fois – de l’égalité, de Montaigne à Bourdieu.
Deux albums pétillants, drôles et militants. À lire et faire lire par des enfants de tous âges. ●
Stéphane Moulain
Delphine Beauvois & Claire Cantais,
On n’est pas des poupées – mon premier manifeste féministe
On n’est pas des super-héros – mon premier manuel anti-sexiste (La ville brûle),
13 euros chacun.