Le Livret personnel de compétence (LPC) a déchaîné les passions
à la fin de l’année scolaire dernière. Pourquoi ce rejet ?
En quoi cet objet est-il un outil de plus au service de la casse de l’école ?
Dans ses trois dimensions, il marque à la fois un retour en arrière et un pas de plus vers la mise en place d’une école du libéralisme. C’est d’abord un livret d’évaluation du « socle commun de connaissances et de compétences ». Il place ensuite les compétences au cœur des objectifs de l’école en lieu et place des qualifications. C’est enfin un outil informatique qui va permettre un suivi des élèves sur la longue durée, y compris après leur sortie du système éducatif.
Le ministre veut nous faire confondre « compétences » comme on l’entendait naguère dans les écoles (évaluation par objectifs liée à la pédagogie du projet) et qui portent des valeurs éminemment émancipatrices, avec les compétences déclinées du processus de convergence européen qui portent des valeurs ségrégatives et normatives : « communication dans la langue maternelle ; communication en langue étrangère ; compétence mathématique et compétences de base en sciences et technologie ; compétence numérique ; apprendre à apprendre ; compétences sociales et civiques ; esprit d’initiative et d’entreprise ; sensibilité et expression culturelles ».
Compétences vs qualifications
Ces compétences clés ou celles du socle commun sont considérées comme des invariants nécessaires à l’employabilité des salariés face à un marché du travail pourtant très mouvant et dont on ne sait pas ce qu’il sera à terme. On ne connaît pas les qualifications nécessaires aux futurs travailleurs. Les compétences sont censées répondre à la flexibilité sans cesse croissante qui leur sera demandée.
Les tendances actuelles sur le marché de l’emploi sont une augmentation du nombre d’emplois fortement qualifiés, mais aussi une augmentation encore plus rapide du nombre d’emplois peu qualifiés. Ces derniers, souvent dans le domaine des services, requièrent pourtant de nombreuses compétences à un niveau élémentaire (notions dans plusieurs langues, utilisation de l’outil informatique…). La logique utilitariste du patronat est donc de vouloir développer les unes au détriment des autres.
Tous fichés
Mettre en place le LPC sera aussi pour l’état un moyen de suivre pas à pas les salariés. C’est en effet un « traitement automatisé de données à caractère personnel », défini comme tel dans la déclaration à la CNIL. Il est centralisé et nominatif au niveau de chaque académie. Il sera suivi par le « passeport orientation formation » mis en place pour les élèves dès la cinquième et, à terme, par le « livret de compétences expérimental (pour l’instant) numérique » qui recensera, non seulement les compétences acquises à l’école, mais aussi des compétences relevant de la vie familiale ou sociale. A terme, ces fichiers nous suivront tout au long de notre parcours professionnel et pourront être demandés par les employeurs, voire utilisés à d’autres fins. ●
Jérôme Falicon