- intervention de l’école émancipée au CDFN de janvier 2024, faite par Grégory Bekhtary –
La mobilisation pour exiger le retrait de la loi immigration, bien que montante entre la manifestation du 14 janvier et celle du 21 janvier, est, il faut bien le reconnaître, en demi-teinte, surtout quand on la compare à la mobilisation fleuve qui a déferlé sur tout le territoire en Allemagne : plus de 1,4 million de personnes se sont rassemblées peu de temps après avoir appris qu’une réunion d’extrémistes racistes, dont des représentant-es de l’AFD, le principal parti d’extrême droite allemand, avait eu lieu à Postdam pour discuter d’un plan de remigration (c’est-à-dire de déportation) de 2 millions de personnes (immigré-es mais aussi citoyen-nes allemand-es d’origine étrangère) vers l’Afrique.
Certes, il y a une profonde différence de contenu entre la loi immigration et ce projet qui rappelle celui des Nazis avant leur mise en application du génocide des juifs. Mais aujourd’hui en France, avec la loi immigration, la majorité de l’arc politique français, de l’extrême droite au centre droit, et presque tous les grands médias, très au-delà de la sphère Bolloré, soutiennent la préférence nationale comme norme acceptable dans notre pays.
Dans une telle situation, pour reprendre Frantz Fanon, « La vérité est que {les lynchages et camps d’extermination}, tout cela et autre chose existe en horizon. »
La FSU est donc face à un enjeu immédiat et un autre de longue haleine :
sa responsabilité est d’abord de jouer un rôle d’intermédiaire pour faire converger, de rassembler, de réunir les cadres de mobilisation qui exigent le retrait de la loi immigration, mais aussi les cadres qui proposent d’animer la résistance à toutes les attaques qui se multiplient contre les acquis démocratiques et les libertés individuelles et collectives, qu’elles viennent du gouvernement néolibéral actuel en pleine involution autoritaire ou des cinquante nuances d’extrême droite parlementaire et extra-parlementaire.
Elle est, plus largement, en tant que syndicat de transformation sociale, de faire un travail d’éducation populaire de fourmi pour desserrer la morsure de l’extrême-droite dont l’une des priorités serait de nous détruire si elle venait au pouvoir. La CGT a fait du retrait de la loi immigration l’une de ces 3 priorités et répète cette revendication à chacune de ses déclarations publiques, où elle s’arrange également dès que possible pour faire savoir qu’elle boycotte CNEWS. En plus de renforcer la formation sur cette question (et les derniers stages départementaux à ce sujet ont été des gros succès d’affluence), le moment est venu de communiquer contre l’extrême droite de façon systématique, d’insister partout, tout le temps, de faire monter de façon décomplexée une petite musique de rejet de ce qu’elle représente et de qui la représente que l’on n’entend plus depuis trop longtemps. C’est une condition sine qua non pour renverser la vapeur.
L’espoir existe, il faut le faire entendre et l’incarner : 150 000 personnes qui manifestent contre la loi immigration et la préférence nationale dans un pays où il y a encore (presque) tout à faire pour contester la respectabilité accordée au RN par Macron et les grands médias, c’est insuffisant, mais c’est un socle significatif à élargir qui montre que nous pouvons être majoritaires et défaire l’extrême-droite et ses idées.