Tous les ans, le COR publie son rapport sur l’avenir des retraites. Il s’agit d’une projection sur le très long terme : l’horizon annoncé est actuellement en 2070, donc, pour une population dont la majeure partie n’est pas encore née.
Cette projection est très différente de celle des années passées. En 2016, la prévision d’équilibre des retraites était prévue à l’horizon 2020, puis, en 2017, à l’horizon 2040. En dehors de l’absence totale de sérieux des éditocrates qui voient dans la détérioration des projections, une détérioration des régimes de retraites, comment expliquer ce changement projectif ?
Entre 2016 et 2017, d’abord, le COR s’est appuyé sur un nouveau rapport de l’INSEE qui fait le pari d’un allongement de l’espérance de vie après 60 ans, en particulier pour les hommes, et d’une baisse de la balance de migration de 100 000 à 70 000 migrant-es. Ces 2 hypothèses sont pour le moins à interroger. On observe malheureusement ces dernières années, un net ralentissement de la progression de l’espérance de vie du fait des problèmes de stress, de pollution atmosphérique, de qualité alimentaire. On ne peut que s’interroger sur une supposée baisse des migrations liées aux crises économiques, politiques et climatiques.
L’élément majeur des projections du COR concerne l’hypothèse d’une part de la richesse consacrée aux retraites en baisse. Il part du principe que la part du produit intérieur brut consacrée aux retraites doit baisser. Les recettes qui correspondent aujourd’hui à 13,8 % du PIB doivent diminuer pour atteindre 12,7 %. Les dépenses, avec 3 scenarios possibles liés à l’évolution de croissance, baisseraient aussi dans 3 cas sur 4.
Pour décrire simplement la pensée complexe des prospectives libérales : alors qu’il y aura plus de retraité-es, que la richesse globale se sera largement accrue, la part de cette richesse consacrée aux retraites doit baisser, donc les retraité-es seront immanquablement plus pauvres…
Donc, à partir d’un choix politique de diminuer la part consacrée aux retraites, le COR extrapole un déficit lié à cette baisse des recettes. Ceci en partant du postulat que certains facteurs ne peuvent évoluer, que les politiques d’austérité seront toujours là.
Il fait aussi sien le postulat de la fin de la dynamique vers l’égalité du taux d’activité des femmes. En 1975, il était de 59 % contre 97 % pour les hommes ; en 2016, il était de 83,2 % contre 93,7 % ; les prévisions stabilisent cet écart à 9,3 points en 2070 en France alors qu’il n’est que de 5 points en Suède.
Le COR postule le maintien d’un niveau de chômage très élevé pour atteindre 7 % en 2032. Soit peu ou prou les chiffres d’avant la crise du capitalisme de 2008. Il en est de même sur la baisse massive de l’emploi public en faisant siennes les suppressions d’emplois annoncées par Macron.
Il assume la Doxa libérale visant à faire baisser la part des salaires dans la valeur ajoutée, qui devrait être de moins 3,5 % encore alors qu’elle ne représente aujourd’hui que 58 % de la valeur ajoutée (le reste pour les profits).
Au final, ce rapport du COR projetant les politiques austéritaires, maintenant un chômage de masse, renonçant aux politiques de répartition, montre surtout une chose : ceux sont les politiques libérales qui creusent le déficit des régimes de retraite.
En menant une politique visant à faire baisser le chômage de masse en baissant le temps de travail, en augmentant la part de la richesse pour les salaires, en augmentant l’emploi public et menant une politique visant à l’égalité face à l’emploi entre les hommes et les femmes, les régimes de retraites peuvent sans problème être équilibrés et même financer des retraites à taux plein, à 60 ans pour toutes et tous. ●
Laurent Cadreils