La crise a aggravé la situation de l’emploi dans de nombreux pays européens comme la France.
Certaines populations sont plus touchées que d’autres, notamment les jeunes. François Hollande a déclaré faire de la jeunesse sa priorité et de la baisse des chiffres du chômage une réalité. Sa « boîte à outils » ajoute de nouveaux dispositifs d’insertion à d’autres déjà existants.
Pour autant, s’agit-il de solutions pérennes ou d’un traitement essentiellement social, limité dans le temps ?
Les jeunes Européens sont frappés de plein fouet par la crise, et massivement au chômage.
Si la Grèce détient le triste record de 62 % des 15-24 ans actifs au chômage, ils sont aussi 56,4 % en Espagne, 40,5 % en Italie et 26,5 % en France.
Le diplôme reste une arme efficace pour permettre l’insertion professionnelle : le taux d’emploi des jeunes ayant fait des études supérieures est de plus de 80 % dans les trois ans qui suivent la sortie du système éducatif.
Mais le problème est particulièrement aigu pour les jeunes qui n’ont aucune qualification, d’autant plus qu’il perdure depuis près de 30 ans et n’est donc imputable qu’en partie à la crise actuelle.
Le système scolaire ne parvient pas à faire réussir certains jeunes qui se voient donc voués à une exclusion professionnelle, voire à une marginalisation sociale.
Le décrochage scolaire a des responsabilités importantes dans le processus d’accès à l’emploi futur des élèves : il s’alimente en grande part de l’échec scolaire que le système éducatif ne parvient pas à endiguer. Les dispositifs proposés sont souvent des « remèdes » qui ne s’attaquent pas à prévenir la difficulté, mais à la contenir.
Aujourd’hui, 150 000 jeunes quittent le système scolaire sans diplôme, et parmi eux, certains ont décroché de longue date. Ainsi début 2013 près de 1,9 million de jeunes de 15 à 29 ans (soit 17 % d’une classe d’âge) ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi. Ces NEET (Not in Education, Employement or Training) ont de quoi inquiéter par leur nombre, et par ce qu’ils représentent pour l’avenir de notre société, une marginalisation qui ressemble à une mise au rebut.
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Précarité
à durée indéterminée…
La grande précarité s’installe durablement pour les NEET en particulier. Les aides sociales ne les concernent pas toujours (le RSA n’est versé qu’à partir de 25 ans) et la pauvreté rend encore plus difficile leur insertion professionnelle.
Ainsi, le gouvernement a annoncé la mise en place de la « garantie jeunes » (expérimentée en septembre 2013, étendue en 2014) : versement d’une allocation équivalente au RSA, avec un suivi individualisé donnant accès à formation, périodes de stages, etc.
Le seul traitement du chômage est social : les dispositifs se multiplient, et s’ils visent à servir de marchepied vers l’emploi, ils sont avant tout un moyen de faire baisser les chiffres du chômage… Les différents « emplois », sont tous des contrats aidés (490 000 prévus pour 2013), d’avenir (100 000), de génération (75 000), ou encore de service civique.
Ils reposent sur des aides publiques versées aux entreprises (ou associations) en échange d’embauches le plus souvent à temps partiel, en CDD, et à faible rémunération.
Reste à savoir s’ils permettent réellement une insertion professionnelle durable…
Tout en affichant de bons sentiments (comme le service civique qui vante la citoyenneté et la solidarité, mais ne propose qu’une indemnité mensuelle nette de 456,75 €, et débouche sur une seule « attestation de compétences »), ces contrats sont loin d’un véritable emploi.
Avec le contrat de génération, la situation est un peu plus complexe : il doit associer un CDI pour le jeune, et le maintien pendant 5 ans dans l’emploi du senior.
L’accès au CDI est un point très positif (seule la moitié des jeunes salariés sont en CDI). Mais les entreprises délaissent ce dispositif, contrairement aux autres types de contrats aidés, pour lesquels les contreparties pour les entreprises sont conséquentes.
Ces contrats aidés reposent sur le principe de la baisse du coût du travail (exonération des cotisations patronales) et restent exposés aux effets d’aubaine ou de substitution en évinçant directement des emplois non aidés.
**Premier emploi,
quête du Graal
L’accès à un premier emploi a toujours été chose difficile et cela n’épargne pas les jeunes diplômés.
En 2006, le collectif Génération précaire a rendu publique la situation indigne faite aux jeunes dans leur quête d’un emploi : le stage, présenté par le patronat comme passage obligé pour acquérir une première expérience, ne débouche pas forcément sur une embauche, mais sur un autre stage.
Très lucrative pour les entreprises, la stagiairisation permet de disposer d’une main-d’œuvre servile, à bas coût (436,05 € par mois). Depuis la situation ne s’est pas améliorée : une convention de stage est censée protéger le stagiaire, mais elle est peu encadrée ; le nombre de stagiaires a doublé pour atteindre, en 2013, 1,6 million.
La situation des jeunes ne va pas être meilleure avec les projets de réforme des retraites. à l’impossibilité d’atteindre le nombre d’annuités requises pour une retraite à taux plein, s’ajoutera la perte de confiance dans tout système qui reposerait sur la solidarité.
Mise en concurrence intergénérationnelle, résignation et repli individuel sont des dangers bien réels. La jeunesse doit être au cœur de nos préoccupations, dans le système scolaire d’abord, pour éviter toute éviction.
C’est là que la précarité professionnelle et sociale prend sa source, et lutter pour une école inclusive et coopérative est un enjeu de taille. Mais cela ne suffira pas : une politique de développement de l’emploi, de réduction du temps de travail et de lutte contre la précarité est indispensable pour poser les fondements d’une société plus juste. ●
Véronique Ponvert