Le candidat Hollande avait promis l’ouverture du mariage et de l’adoption à tous les couples, dans la « proposition n° 31 » de son programme,
qui répondait aux revendications portées de longue date
par de nombreuses organisations, dont la FSU.
A l’heure où ces lignes sont écrites, l’incertitude plane toujours
sur la date de présentation du projet de loi.
Pourquoi revendiquer le mariage pour toutes et tous ? Cette institution traditionnelle n’est-elle pas contestable, et dépassée ? Ne faut-il pas plutôt améliorer le PACS, puis mener un débat de société plus large ? Sans doute. Mais l’accès de toutes et tous au mariage relève du combat pour l’égalité des droits, et non d’une lutte communautariste qui viserait à obtenir des droits spécifiques (comme le laisse entendre l’expression « mariage homosexuel » utilisée par ses opposant-es). Conquérir le droit de se marier, c’est aussi gagner la liberté de ne pas se marier. Et surtout, si l’état lui-même continue à discriminer, en refusant des droits à une partie des citoyennes et citoyens, cela contribue à alimenter l’homophobie. Or, les LGBTphobies génèrent au quotidien violences et discriminations, ou simplement des attitudes désapprobatrices qui font qu’on hésite souvent à évoquer son ou sa conjoint-e quand il/elle est de même sexe. Pire, elles sont cause également de mal-être lié à l’homophobie intériorisée, particulièrement chez les jeunes, mal-être pouvant aller jusqu’au suicide.
Une égalité des droits
encore incomplète
Selon ce qui a pu filtrer, le projet de loi est restrictif par rapport aux attentes. Le droit à l’adoption se conçoit uniquement dans le cadre du mariage, et la PMA (Procréation Médicalement Assistée) en est carrément absente : les couples de lesbiennes vont donc continuer à aller à l’étranger, dans les pays où elle leur est légalement accessible. L’égalité pleine et entière n’est encore pas pour maintenant, au point que la loi a été baptisée récemment « proposition 15 et demi » par certain-es socialistes. D’ailleurs le projet lui-même est peut-être compromis. Le gouvernement semble reculer face à la mobilisation, notamment de groupes chrétiens, face à « l’entente parlementaire » (contre le PACS) qui a été réactivée, et aux maires, dont certain-es de gauche, prône la désobéissance plutôt que d’avoir à prononcer ces unions…
Pourquoi cette fronde ? Chez certain-es, l’homophobie est viscérale, haineuse. Plus généralement, ces questions sont mal connues : si les pratiques sexuelles sont effectivement des choix, l’orientation sexuelle n’en est pas un, elle relève de l’affectivité et du désir. Rappelons-nous aussi la polémique à propos de l’enseignement des théories du genre au lycée et les propos dénonçant le libre choix du sexe… Or, on n’entame pas une démarche de transition à la légère. Il y a une grande souffrance à l’origine et un parcours souvent échelonné sur de longues années.
Faire évoluer la vision
de la famille
De plus, l’opposition à l’homoparentalité ne découle pas simplement des LGBTphobies. La famille fondée par deux femmes ou deux hommes heurte aussi la vision essentialiste basée sur « LA différence » des sexes, et la complémentarité fantasmée qu’il y aurait entre un homme et une femme, et ce bien au-delà de la nébuleuse réactionnaire.
La diversité des familles (monoparentales, recomposées…) a déjà fait exploser le modèle traditionnel. Parmi elles, les familles homoparentales et pluriparentales sont bien une réalité, qui concerne des dizaines de milliers d’enfants. Il devient urgent que la reconnaissance en soit aussi juridique, dans l’intérêt des enfants comme des parents. Du point de vue des « psys », le discours n’est pas monolithique non plus. Certain-es sont très attaché-es au couple hétérosexuel, et ce sont en général les mêmes dont les liens avec une religion sont évidents. D’autres en revanche rappellent que les psys ne doivent en aucun cas faire la promotion d’une norme, et indiquent qu’ils ont constaté dans leur pratique clinique que les familles homoparentales ne sont ni plus ni moins pathogènes que les autres, en bref que les enfants y grandissent aussi bien !
Rappelons enfin que les Français-es sont favorables au mariage pour tous les couples à 65 %. Il est sans doute temps de se faire entendre.
Un autre projet de loi serait en préparation pour les personnes transgenres, inspiré de l’exemple de l’Argentine : il prévoit en particulier une grande liberté pour le changement d’état civil. à n’en pas douter, les résistances seront fortes là aussi ! ●
Cécile Ropiteaux