Les dégâts causés par les politiques « décomplexées » en matière d’immigration de ces dernières années ont laissé des traces dans les esprits. Il sera long et difficile de les effacer. La politique menée par le gouvernement actuel ne permet pas d’avancer sereinement vers une autre société plus solidaire, moins repliée sur elle-même.
Toutes les promesses de campagne ont été abandonnées, tant la mise en place de récépissés pour lutter contre les contrôles de police au faciès que le droit de vote des résidents étrangers aux élections. Des mesures généreuses en faveur des sans papiers, auraient constitué une reconnaissance éclatante de leur place dans la société. Rappelons qu’il ne s’agit pas des seuls « sans papiers » mais bien d’une large partie de la population de ce pays, française depuis des générations, mais dont le nom, le prénom ou les traits du visage désignent comme « issue de l’immigration », sorte de stigmate porté de génération en génération.
Les renoncements et les tergiversations du gouvernement rappellent la politique insultante de ses prédécesseurs.
Aujourd’hui, c’est dans une certaine indifférence que continuent les expulsions des parents d’enfants scolarisés, la non régularisation des jeunes lycéens devenus majeurs, tout comme le maintien dans un réseau parallèle des travailleurs sans papiers. Comme si c’était normal, voire inévitable… De fait, si la circulaire de novembre 2012 permet de résoudre un certain nombre de dossiers de régularisation, la situation reste bloquée pour de nombreux jeunes, familles ou travailleurs, qui s’en trouvent de fait exclus et sont toujours arrêtés en vue d’expulsion.
Le sort dévolu aux populations rroms en France ne laisse pas d’inquiéter alors qu’une circulaire d’août 2012 annonçait des évolutions encourageantes. Qu’importe la météo, la présence ou non d’enfants scolarisés ou de bébés… les évacuations se poursuivent sans proposition alternative d’hébergement, comme le prévoyait pourtant la circulaire. En parallèle, des mairies refusent la scolarisation d’enfants rroms, pourtant reconnue comme moyen premier d’intégration pour les familles.
Les déclarations de Manuel Valls en mars stigmatisent, une fois de plus, les populations rroms. Elles traduisent une méconnaissance profonde de leurs conditions de vie, d’une misère extrême, de la discrimination dont elles sont victimes dans leurs pays d’origine, pourtant membres de l’Union Européenne, et de la présence en France de nombreuses familles depuis de très longues années, contrairement à l’idée véhiculée par le discours du ministre de l’Intérieur.
Comment oser affirmer qu’elles refuseraient de s’insérer en France, alors que l’accès à l’emploi et au logement social leur sont actuellement interdits et que certains maires vont jusqu’à s’opposer à la scolarisation des enfants ? Cette stigmatisation au plus haut niveau de l’Etat compromet gravement leurs perspectives d’intégration, alors que les roumains comme les bulgares devraient disposer du libre accès au marché du travail dans notre pays.
Quand ces populations, précaires parmi les précaires, européens sans droit, pourront-elles enfin mener une vie digne ? L’exemple de Ris Orangis est frappant. Après des mois de bagarre, le collectif local a réussi à faire cesser l’apartheid scolaire imposé par la mairie à des enfants rroms et à les faire scolariser début février dans des écoles de la ville. Pour autant, moins de deux mois après, « l’évacuation » du terrain, avec la dispersion des familles qui s’en est suivi, a détruit cette laborieuse mise en place de scolarisation des enfants.
En tant qu’organisation syndicale majoritaire des enseignants des écoles, nous avons l’obligation de prendre en compte ces situations de façon globale pour faire respecter les droits de tous les enfants et de leurs familles, et pour défendre des valeurs de solidarité, d’éducabilité et de citoyenneté européenne. S’engager dans le collectif pour le droit à l’éducation des enfants roms comme le fait le SNUipp-FSU est indispensable afin de rendre effectif le droit à la scolarité pour les enfants rroms, mais n’est pas suffisant.