Sous Sarkozy, l’insuffisance du nombre de postes ouverts aux concours menaçait directement cette voie de recrutement et favorisait le développement de la précarité. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Une crise du recrutement qui perdure…
Le nombre de recruté-e-s a augmenté depuis 2013 avec la création d’une deuxième session de concours puis l’augmentation du nombre de postes ouverts. Cependant, cette hausse est insuffisante pour couvrir les besoins et elle cache une baisse de l’attractivité des concours puisque le nombre de présent-e-s par poste est passé de 2,8 en 2011 à 2,6. Le plus inquiétant est le nombre de postes non pourvus, qui est passé en 2015 à 1876 postes non pourvus, soit 15% des places ouvertes. Une situation qui interroge dans un contexte de chômage massif. Et pour les concours réservés, ce sont 53% des postes qui n’ont pas été pourvus en 2015.1 Ces éléments amènent à relativiser la promesse de création des 60 000 postes dans l’éducation, quand on sait que c’est seulement l’équivalent de 16 000 postes qui ont été créés aujourd’hui.2
… au profit d’une précarisation accrue.
Quelles solutions offre le Ministère ? Toujours les mêmes fausses bonnes idées, mais en pire ! Les Emplois d’avenir professeurs deviennent Étudiants apprentis professeurs, ou comment mettre en place l’apprentissage dans l’enseignement avec des contrats de droit privé. Les masters en alternance constituent une formation au rabais puisque celle-ci est amputée de 50% du volume du master MEEF. Devenu-e-s fonctionnaires stagiaires, les lauréat-e-s au concours sont des moyens d’enseignement à mi-temps en classe, débordé-e-s par les préparations de cours et la validation du M2. De nombreux stagiaires sont toujours à temps plein en responsabilité et doivent suivre une formation en plus.
L’enjeu de la formation des maîtres : démocratiser l’accès au métier !
Il est urgent de changer de paradigme, en recrutant tôt pour recruter beaucoup et notamment des femmes et des étudiant-e-s des catégories populaires :
il est urgent de mettre sur place un véritable dispositif de formation des enseignant-e-s qui inclut dès la première année de licence des éléments de pré-professionnalisation. Une certaine souplesse doit permettre d’ajuster les contenus de formation en fonction des parcours antérieurs, mais les trois voies d’accès au concours ne peuvent répondre à la crise du recrutement puisqu’une partie des personnel-le-s concerné-e-s sont déjà en poste. La solution pour ces dernier-e-s réside plutôt dans la titularisation de tou-te-s les contractuel-le-s.
Les pré-recrutements ne peuvent constituer une aide marginale pour une petite partie des candidat-e-s. Ils doivent permettre l’accès au métier à autant d’étudiant-e-s que de places ouvertes aux concours. Cet accès au statut d’élève fonctionnaire doit avoir lieu dès la première année de licence pour permettre aux futures enseignant-e-s et CPE d’être rémunéré-e-s et de cotiser pour la retraite.
Enseigner exige un haut niveau de qualification, ce qui ne veut pas forcément dire un recrutement tardif. A l’ENS, les élèves normaliens sont recrutés par un concours après deux ou trois années d’études supérieures, acquièrent le statut de fonctionnaire stagiaire et sont rémunérés pendant quatre ans (environ 1250 euros net)3. A l’École nationale de la Magistrature4 et à l’École nationale de l’Administration5, les élèves recruté-e-s deviennent fonctionnaires stagiaires et ce n’est qu’à l’issue de leur parcours que leur est délivré leur diplôme.
Recruter à la licence permet d’accéder au métier après trois années sous statut d’élève fonctionnaire. Deux années de formation professionnelle rémunérées suivent le concours, donnant lieu à l’attribution d’un Master, avant une entrée progressive en fonction en T1 et T2.
Démocratiser l’accès au métier, recruter de manière précoce, financer la formation des enseignant-e-s et CPE et revaloriser les conditions de travail et les salaires sont les seuls moyens de mettre un terme à la crise du recrutement par concours. Sinon, celui-ci est menacé au profit du recrutement par contrat, qu’il soit local ou sous la forme de l’apprentissage, qui ouvre une brèche dont les conséquences sur nos statuts sont à redouter.