Partant du constat que nous avons de plus en plus de mal à faire des grèves « majoritaires », beaucoup s’interrogent sur la pertinence de cette modalité d’action dans l’absolu, et lui cherchent des alternatives. On ne peut que regretter que les grèves ne soient pas davantage suivies, mais cette modalité d’action en est-elle disqualifiée pour autant ?
En ces termes, le problème est en réalité mal posé, et lorsqu’on se pose de mauvaises questions, on formule de mauvaises réponses. Quelques remarques à ce propos.
L’appréciation de l’impact d’une mobilisation n’est pas qu’affaire d’arithmétique. Une grève génère un militantisme important, crée du collectif, a une visibilité dans le milieu et au-delà dans l’opinion publique. Toutes choses beaucoup moins vraies pour bien d’autres modalités d’action.
Une grève « minoritaire » n’est pas nécessairement minorisante : les collègues qui ne se mettent pas en grève ne la considèrent pas forcément illégitime pour autant. La légitimité d’une grève vient d’abord de sa plate-forme revendicative, de ce que celle-ci représente pour les collègues : leurs préoccupations, leurs inquiétudes, leur colère. Le syndicat défenseur des intérêts des salarié-es est dans son rôle en leur offrant une perspective d’action à la hauteur des enjeux. Et l’enjeu d’une grève c’est aussi ce qui fait sa légitimité : lorsque notre avenir commun est engagé. Le code du travail par exemple mérite une grève, même dans la fonction publique. Le SNES avec la FSU serait dans son rôle en participant à une grève unitaire interprofessionnelle sur ce terrain.
Enfin, avons-nous sérieusement interrogé les alternatives à la grève ? Sont-elles plus mobilisatrices sans parler même d’efficaces ? La votation sur les salaires n’a pas rencontré un grand écho, et nous avons été bien en peine d’en faire quelque chose. Quand nous rassemblons 50 000 signatures sur une pétition, nous nous déclarons satisfaits. Mais 30% de personnels en grève dans le second degré cela représente 100 000 personnes… Cela doit nous faire réfléchir sur la disponibilité supposée supérieure des collègues aux actions moins exigeantes que la grève.
La question n’est donc pas « Peut-on encore recourir à la grève ? ». La bonne question est « Comment recréer du collectif et mettre les salariés dans l’action ? ». L’action syndicale ne se résume pas à la grève, mais elle ne peut en faire l’économie.
Nous devons donc travailler la valeur revendicative de nos actions, nous devons articuler de multiples modalités d’action dans une dynamique propulsive, nous devons construire des arcs unitaires porteurs de cette dynamique. N’oublions pas que notre première tâche syndicale est de ne rien céder.
Marie-Cécile Perillat